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CONCURRENTS OU MYSTIFICATEURS

Ils pédalèrent encore un bon moment avant d’atteindre la ville. Ils ne parlaient ni l’un, ni l’autre, absorbés qu’ils étaient dans leurs pensées. Arthur, lui, ne se faisait pas de bile. Qu’importait cette rencontre puisque rien de fâcheux ne leur était arrivé ? Seul le front de Charles ne se déridait pas !

En entrant dans Dol, ils prirent immédiatement la Grande-Rue qui conduit à la cathédrale, et le long de laquelle se trouvaient plusieurs vieilles maisons à toits pointus.

Sur leurs façades déjetées les poutres de chêne s’entre-croisaient dans la pierre ; leur premier étage, construit en avancée, était soutenu par des piliers, ronds ou carrés, surmontés de chapiteaux sculptés.

Entre ces piliers s’ouvraient des porches à arcade romane ou ogivale ; là, le plus souvent, s’abritait une boutique, fermée à cette heure. Tout, dans la petite ville, sommeillait : dix heures sonnaient à la cathédrale.

Non loin de la place de l’Esplanade, Charles vit l’enseigne d’un hôtel : Au Menhir du Champ-Dolent : il se précipita et poussa la porte qui était entre-bâillée. Un portier, endormi sur une chaise, tressaillit à l’entrée des deux voyageurs.

« Nous voudrions une voiture… une auto… pour des voyageurs blessés : ils sont à quelques kilomètres d’ici… sur la route de Saint-Malo. »

Le portier, un Breton à la barbe à demi rasée, à la veste noire, au gilet de velours, regardait Charles et Arthur d’un air ahuri.

« Comprenez donc, répéta avec quelque impatience Arthur. Il est arrivé un accident à trois voyageurs. Le cheval s’est emporté !… Il a filé, un des voyageurs a la jambe cassée, l’autre…

— Je comprends bien… mais il n’y a pas de voiture à c’te heure-ci.

— Comment ? Réveillez le patron de l’hôtel… Allons, dépêchez-vous ! »

Charles avait élevé la voix : il n’était pas content — Arthur non plus, — devant tant de placidité.

À ce moment descendait l’escalier, celui qui était évidemment le patron de l’hôtel. Il était en pantoufles, les cheveux ébouriffés, le gilet à moitié boutonné, la cravate défaite.

« Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ? »

Charles recommença son explication. Lorsqu’il eut fini, l’hôtelier se gratta la tête, fort embarrassé.

« Mais… et où… et qui ?… »

Charles comprit sa pensée.

« Nous sommes de Paris, voici nos noms et l’adresse de nos parents. (Il montra sa carte d’identité et celle d’Arthur.) Ces voyageurs qui sont blessés, nous ne les connaissons pas, mais nous les avons rencontrés tandis que nous suivions la route pour venir à Dol. Ils se trouvent au delà du menhir du Champ-Dolent. Je vais payer d’avance la voiture. Donnez-nous une chambre pour mon camarade et moi… »


charles poussa une exclamation de surprise.

L’hôtelier, voyant qu’il ne perdrait rien, puisqu’il touchait d’avance le prix de la course, se décida à agir. Il appela un garçon et lui dit d’atteler une sorte de victoria qui servait à promener les voyageurs que l’automobile fatiguait ; puis il lui expliqua longuement ce qu’il avait à faire.

« Je vais aller avec lui : comme cela il n’y aura pas d’erreur, déclara Charles.

— Moi aussi ! s’écria Arthur.

— Non, mon vieux, il n’y aurait pas de place dans la voiture. Reste ici avec les bicyclettes. Du reste, nous