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DANS L’AUTOMOBILE JAUNE

formaient autour de musiciens et de chanteurs ambulants qui exécutaient quelque vieille complainte dont l’origine se perd dans la nuit des temps… Des marchandes, devant un éventaire où s’étalaient chapelets, statuettes de bois, souvenirs divers, sollicitaient les acheteurs. Des reposoirs décorés de feuillages et fleuris de roses s’élevaient çà et là.

On célébrait, en effet, cette année, le pardon de la Grande Troménie, qui n’a lieu que tous les six ans et qui commence le deuxième dimanche de juillet pour durer huit jours. Plus de vingt-mille pèlerins étaient déjà venus, surtout de la Basse-Cornouaille, à ce pardon en l’honneur de saint Ronan qui a son tombeau à Locronan. Et il en arrivait encore !

Colette et son frère assistèrent à la procession qui se rend de Locronan vers Plonévez-Porzay, la chapelle de Kergoat et la forêt du Duc, et s’arrête en un endroit élevé d’où l’on a vue sur la baie de Douarnenez.

Le temps était splendide. Sous le ciel bleu, la terre la côte, la mer, prenaient des teintes méridionales.

« Tiens, dit Paul, on dirait la Méditerranée. »

Mais Colette se récria :

« La Méditerranée… La Méditerranée… Elle, au moins, est toujours bleue ! Tandis qu’ici… »

Au retour, la procession traversa une lande où se dressait un rocher dont la forme bizarre rappelait vaguement celle d’un cheval, et qui, dans la région, passe pour être la jument pétrifiée de saint Ronan. Le cortège fit plusieurs fois le tour du rocher ; en tête, un vieux bonhomme agitait une clochette, sollicitant les aumônes des spectateurs. Après avoir passé sous plusieurs reposoirs en forme d’arcades, la procession rentra à Locronan vers six heures et demie.

Le séjour des Dambert en Bretagne ne se prolongea d’ailleurs pas beaucoup. Au retour, Colette et son frère s’arrêtèrent à Dol. Ils logèrent à l’hôtel du Menhir du Champ-Dolent et furent servis par Fiacre. L’hôtel était bondé de voyageurs. Plusieurs familles avec de nombreux enfants, garçons et filles, s’y étaient établis ; les jeunes collégiens de dix à quinze ans n’y étaient pas rares. Comment reconnaître les concurrents au milieu de cette foule ?


une foule de bretons étaient venus pour le pardon.


Mais n’oublions pas que Colette était curieuse et Fiacre bavard. Au bout de deux jours, après quelques questions posées par la fillette, elle sut l’histoire de Procope, de Charles et d’Arthur.

Colette s’enthousiasma pour les deux amis ; elle aurait voulu les rencontrer, mais ils étaient partis !

« Où sont-ils allés ? demanda Colette à Fiacre qui, pour la troisième fois, lui faisait le récit de la nuit tragique.

— Je ne sais pas, » commença par répondre Fiacre d’un air mystérieux