Colette, qui portait une robe à plis très large, n’avait pas attendu la fin de la phrase de Charles pour sauter sur la bicyclette de celui-ci et s’éloigner à toute allure. Arthur ne put que la suivre.
Mlle Marlvin faillit s’évanouir de nouveau sur les coussins de la voiture, tandis que Charles aidait Paul à soulever la voiture avec le cric.
Paul quitta son cache-poussière, son veston, releva ses manches jusqu’au coude, jeta sa casquette sur le bord de la route ; puis, ayant pris sa boîte d’outils, il se mit en devoir d’examiner sa machine.
Charles, lui, était un peu ému de l’état de Mlle Marlvin. Il retourna chercher de l’eau fraîche ; il déboucha un flacon de cognac qu’il trouva dans le panier de camping, et prépara un cordial pour l’institutrice. Après quoi, il s’occupa de la rassurer à propos de la nouvelle équipée de Colette.
« N’ayez aucune crainte, mademoiselle ; Arthur est un peu étourdi quelquefois… mais, depuis que nous voyageons ensemble, il s’efforce de remédier à sa légèreté. »
Puis, voyant que Mlle Marlvin était à peu près remise de son émotion, il se rapprocha de Paul qu’il aida. Malheureusement les avaries de l’automobile étaient trop graves pour qu’on pût y remédier sur place, avec des moyens de fortune.
Paul s’en aperçut vite, tout en causant avec Charles.
Celui-ci raconta comment ils passaient les vacances avec son ami. Ils venaient de Bretagne, parcouraient les Pyrénées ; après, ils ne savaient encore où ils iraient…
Mais le temps passait… et l’on ne voyait apparaître ni Colette, ni Arthur. Mlle Marlvin commençait à manifester quelque inquiétude.
L’institutrice allait et venait sur la route, épiant les voitures qui venaient de Saint-Savin.
« Mais, Paul, s’écria-t-elle tout à coup, c’est incompréhensible, ils devraient être ici ?
— Mademoiselle, songez que ce jeune homme a peut-être de la peine à trouver une automobile, ou une voiture.
— Cette petite est un démon, je ne devais pas la quitter… Je… »
Mlle Marlvin se tordait les mains.
« Voyons, mademoiselle, calmez-vous, dit Paul dont le front était pourtant un peu soucieux.
— Non, non, interrompit Mlle Marlvin, Colette est peut-être tombée dans un précipice. Votre ami (elle se tournait vers Charles) n’ose pas revenir… Je deviens folle… Impossible de rester ici une minute de plus… C’est affreux… »
Mile Marlvin était dans un état lamentable. De grosses larmes coulaient Sur ses joues ; elle avait déchiré ses gants, ses voiles pendaient dans son dos, son chapeau était incliné sur une oreille. Mais personne n’aurait songé à sourire, car son angoisse faisait pitié et les deux jeunes gens commençaient à partager son inquiétude.
charles courut chercher de l’eau fraîche.
« J’arrête la première automobile qui passe, s’écria-t-elle en se mettant au milieu de la route, et je vais à Saint-Savin.
— Moi, dit Paul, je file à pied. Lorsque je tiendrai Colette, gare à elle !
Paul commençait, en effet, à être furieux, un peu aussi contre lui-même.
« J’aurais dû ficeler cette écervelée… Ah ! la mâtine !
— Moi, dit Charles, je reste avec Mlle Marlvin.
— Merci, et surveillez l’auto. »