Page:Magin-Marrens - Histoire de France abrégée, 1860.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ciaux, des étrangers, des femmes même se pressaient, s’étouffaient dans la rue, pour acheter ou pour vendre des actions, Law, devenu l’objet d’une idolâtrie universelle, était assiégé chez lui de suppliants ; il voyait forcer sa porte, entrée du jardin par les fenêtres, tomber dans son cabinet par la cheminée. La plus haute noblesse, les princes, les souverains étrangers eux-mêmes imploraient de lui quelques actions ; une grande dame fit verser sa voiture sous ses fenêtres, pour qu’il se montrât à elle et lui adressât quelques mots. Tout alla bien jusqu’en décembre 1749 ; mais à cette époque, beaucoup de spéculateurs ayant voulu réaliser leur fortune, on s’aperçut que le papier mis en circulation s’élevait à la somme énorme d’un milliard 600 millions, c’est-à-dire plus du double de tout le numéraire qui existait en France. Une baisse subite eut lieu dans les actions, et l’on vit commencer la contre-partie de tout ce qui s’était passé quelques mois auparavant. Le même empressement attira la foule des spéculateurs, mais pour échanger leur papier contre des espèces ; à cet effet des marchés s’établirent et des tentes se dressèrent sur la place Vendôme, qu’on appela le Mississipi renversé. On vit dans cette multitude aux regards avides, à la figure décomposée, plus d’un grand seigneur, plus d’un bourgeois, qui apportait des millions en papier, sans avoir un écu pour acheter du pain. La foule devint si grande, que plus d’une fois elle laissa après elle des cadavres d’hommes étouffés. Les vols et les assassinats se multiplièrent ; le délire du désespoir et de la faim avait succédé à la folie et aux rêves d’une fortune colossale. Law, poursuivi dans les rues à coups de pierres, fut obligé de quitter la France, ef il alla se cacher à Venise, où il mourut dans l’indigence. Il avait, le premier en Europe, bien-compris les précieuses ressources du crédit ; mais, l’agiotage étant venu se mêler aux calculs légitimes d’un gain modéré, le système avait mis en jeu toutes les passions mauvaises, et il ne resta de la tentative de Law qu’une horrible catastrophe et de nouveaux germes de corruption publique.

374. conspiration de cellamare. — la peste de marseille. — Pendant que Law ruinait ainsi la France, l’ambition du cardinal Albéroni, premier ministre du roi d’Espagne, la menaçait d’un autre danger, moins sérieux, il est vrai. Ce fils d’un jardinier, que ses talents avaient élevé aux premières dignités de l’Église et de