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« Pourtant, ce n’est plus de la faiblesse. Je me sens fort. Mes muscles jouent ; mes membres s’agitent ; mes pieds doivent être libres ; mais une sorte de fourreau retient mes bras dans leur position allongée. En deux endroits de ma poitrine je sens comme la pression d’un lien qui m’immobilise. Suis-je attaché ? pourquoi ?

« Mes mains sont fortes et nerveuses ; mes ongles griffent l’étoffe qui les emprisonne. Comme ils ont poussé !

Je sens que je puis déchirer l’étoffe qu’ils ont saisie ; il y a en moi une force extraordinaire.

« L’étoffe ne résiste point à l’effort de mes ongles, elle craque ; la déchirure s’agrandit ; mes doigts sont libres. Je tente de sortir ma main ; quelque chose encercle mon poignet, un lien que mes tendons raidis font éclater.

« Alors, je dégage mon avant-bras ; il glisse le long de ma poitrine, remonte, sort des draps.

« Horreur ! Quelle est cette chose noire et velue qui vient de surgir tout près de mon visage ?

« Une terreur soudaine convulse mon corps, crispe mes membres ; une insurmontable répulsion me fait vouloir m’éloigner, me rejeter en arrière, fuir cette chose.

« Toutes ces sensations sont brèves, foudroyantes, instinctives. Je n’ai le temps ni de les analyser, ni de les décomposer. Je les subis toutes à la fois, en bloc, et, pourtant, j’en perçois le détail.

« Un geste instinctif de défense me fait hâter l’arrivée de ma main ; c’est elle qui doit écarter cette chose effrayante, la saisir et la jeter loin du lit. Je fais un effort.

« Mais, alors, je fais une découverte effarante. Je m’avise que la chose occupe exactement la place de ma main, que ses mouvements sont exactement ceux que feraient ma main, ceux que mon instinct et ma volonté commandent à ma main d’exécuter.