Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/105

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« J’étendis mes mains vers les fruits et vers l’eau. Je mangeai et je bus avidement.

« Près de la cage, l’homme m’observait, content.

« — Il devient raisonnable, master Charly ! faisait-il avec cet accent qu’on prend pour parler aux animaux et aux enfants.

« Un jour, il vint avec un autre homme, qui reparut seul le lendemain. J’appris que j’avais changé de maître.

« Celui-là s’appelait Godolphin. Comme il n’avait pas vu mes accès de fureur, il osa pénétrer dans ma cage. Ma douceur le surprit et l’enhardit. Il entreprit de faire mon éducation. Dérision ! Je devins un singe savant.

« Ce ne fut point sans révoltes intérieures ni sans discussions avec moi-même que je me pliai à cette nécessité.

« Mais, je m’avisai que ma situation présentait uniquement deux alternatives : ou bien, ma fierté — ma dignité humaine — se refuserait aux gestes que sollicitait mon gardien. Mais cet entêtement, qualifié sauvagerie et inintelligence, me reléguerait davantage au rang des bêtes. Sur moi, la prison se refermerait plus étroite ; en la meilleure hypothèse, je ne serais qu’une curiosité en cage, un singe de ménagerie.

« Ou bien, au contraire, j’accepterais la condition dégradante de bouffon, je m’avilirais en condescendant aux farces et aux mimiques cabotines, je révélerais, pour cette besogne, une partie de mon intelligence humaine. Mais, ne serait-ce pas gravir un degré de l’échelle des êtres ?

« J’optai pour ce dernier parti et je décidai de jouer mon rôle de singe pour mieux redevenir un homme.

« Godolphin accueillit avec enthousiasme les premiers témoignages que je donnai de mon intelligence et de ma docilité. J’y gagnai de me voir présenter des vêtements que je m’empressai de porter. Son émerveillement augmenta en me voyant adopter, cha-