Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/126

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La face de Godolphin s’épanouit. Il devint obséquieux.

— Oh ! alors ! fit-il avec un gros rire bon enfant, c’est à votre disposition. Monsieur reçoit. C’est pas qu’il soit causant, pour l’instant, mais si la vue vous suffit…

— Allons le voir, coupa la jeune fille, avec un nouveau soupir.

— C’est par ici. Il fait un peu « oscur » ; mais, on s’y habitue.

La cage était en face. Dans un coin, il y avait une masse sombre — le gorille accroupit la tête entre ses genoux, les bras repliés, les mains croisées au-dessus de son crâne,

À sa vue, la visiteuse réprima un léger frisson.

D’un pas ferme, elle s’approcha, tout près des barreaux qui frôlèrent ses mains gantées.

— Roland ! appela-t-elle d’une voix douce et légèrement altérée. Roland, c’est moi !

Au son de la voix, le gorille bondit. Et ses yeux navrés, emplis d’une soudaine lumière, rencontrèrent ceux de Violette Sarmange, qui ne se détournaient plus.

Les paroles du professeur Fringue avaient levé les derniers doutes de Violette. Quelque extraordinaire qu’elle pût être, elle croyait maintenant à la mystérieuse transformation de Roland Missandier. Elle eut hâte d’aller consoler l’âme prisonnière et elle se sentit capable de revoir l’être horrible qu’était devenu son fiancé et de ne témoigner ni terreur, ni répulsion, sa tendresse, qui survivait, se muait en pitié. Sitôt guérie, elle songea à exécuter le projet qu’elle avait formé.

Les journaux avaient naturellement, au lendemain de la fugue du gorille, publié tous les détails de sa capture. Avant de cesser de s’y intéresser, ils avaient dévoilé l’endroit où le maître avait conduit la bête déchue. Pour connaître l’adresse de Godolphin, Violette n’eut qu’à les feuilleter.

Il lui fut tout aussi facile de décider sa mère à l’accompagner dans son expédition