Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/127

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et à la tenir secrète. Mme Sarmange n’était point questionneuse ; il suffit de savoir que sa fille allait secourir une misère cachée. Grâce au prétexte charitable, Violette eut toute latitude de se faire conduire dans ce coin perdu et d’entrer seule chez le saltimbanque.

Et pour rendre de suite, au malheureux qu’elle venait voir, sa dignité d’homme, conservée en dépit de sa forme, selon les affirmations du professeur Fringue, elle l’appela par son nom.

— Roland !

Il faut se rappeler l’état d’esprit de l’homme-singe pour comprendre l’effet que produisit sur lui cet appel et cette apparition. Placé dans des conditions anormales d’existence, jeté en plein fantastique par l’incompréhensible aventure, sa raison, ébranlée par tant d’émotions successives, vacillait sans pouvoir se raccrocher à rien. La réalité lui semblait fuyante. Ce qu’il voyait, ce qu’il entendait — sa vie — étaient pour lui autant d’imaginations encloses dans le cerveau d’un fou.

Et, soudain, nouvelle invraisemblance, Violette reparaissait, non plus épouvantée, mais pitoyable et tendre.

Redressé, il la considéra, n’osant tendre ses mains vers elle. Que croire ? Sans doute elle allait s’évanouir, comme toutes les visions.

Pourtant, sa vue l’avait arraché à sa torpeur et rendu à la discussion. Il bégaya, de son horrible voix :

— Violette !… Je suis fou !… Je sais… J’ai vu.

Apaisantes, les petites mains s’opposèrent à ce qu’il continuât. Elles lui faisaient signe de se taire. En même temps, secouant la tête pâle, Violette niait la folie.

— Non ! non ! Roland… vous n’êtes pas fou… Je suis venue pour vous le dire.

Haletant, il gémit :