Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/139

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qui parut rassembler tout son courage, la chose, au fond, est fort simple. Depuis des années, j’étudie une question… une question capitale… tant pour l’espèce humaine que pour les autres espèces… C’est la greffe du cerveau… la transplantation de cet organe — l’essence même de l’être… dans un milieu nouveau…

— Je ne comprends pas, haleta le gorille.

— Vous allez saisir : la pensée — le cerveau — est tout, le corps est secondaire ; ce n’est qu’un cadre qu’on pourra bientôt modifier au gré des désirs humains… Avant d’en arriver là, j’ai voulu prouver que le mécanisme intellectuel pouvait s’adapter indifféremment dans telle ou telle boîte crânienne et devenir, par intervention chirurgicale, le moteur d’un organisme nouveau. L’expérience que je révais était la suivante : faire entre deux individus d’espèce différente l’échange des cervaux.

— Vous avez tenté cela ? cria le gorille.

Les yeux injectés de sang, la face convulsée, ses mains énormes agitées de tremblements nerveux tendues vers le savant, il était effrayant à voir.

Le professeur Fringue eut peur. Il sentit une sueur froide mouiller ses tempes.

— Je l’ai tenté, balbutia-t-il.

Le gorille porta ses mains à sa gorge, comme s’il étouffait.

— Oh ! murmura-t-il. Il ne veut pas dire cela… Il n’a pas fait cela… Achevez, ordonna-t-il, en haletant bruyamment, sur qui avez-vous… sur qui ?…

— Sur vous ! bégaya le professeur en jetant autour de lui des regards éperdus.

Instinctivement, il leva les mains à la hauteur de son visage pour le protéger. Il sentait venir la mort.

Les yeux du gorille exprimaient l’horreur. Un rugissement rauque déchira sa gorge. Il bondit, les mains en avant.