Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/143

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son… Je revois celui qui est venu… là… le soir… Il était petit.

— Oui, fit de la tête le docteur Silence.

— Et l’autre ?… Je ne l’ai pas vu débout… Il était déjà étendu sur la table… Mais il devait être grand… C’était presque la longueur de la table… près d’un mètre quatre-vingt, n’est-ce pas ?

— Soixante-quinze, dit Roland. C’est la taille « que j’avais ».

— C’est curieux, reprit le professeur, s’adressant plus à lui-même qu’à ses interlocuteurs. Alors, j’étais préoccupé et je n’ai pas remarqué cela. Mais, maintenant, cela me revient, mon œil a enregistré cette différence, elle est sensible à mon souvenir. C’est un autre que nous avons cru opérer.

— Un autre ! s’exclama Roland, avec stupeur.

— Il n’y a pas à en douter, fit le savant, un autre s’est substitué à vous où, plus exactement, vous a substitué à lui. Au premier abord, la chose n’apparaît pas très aisée, et pourtant, en réfléchissant, il avait bien pris, dès notre première entrevue, toutes les précautions qui pouvaient, par la suite, faciliter sa supercherie. Vous vous êtes certainement dit tout cela, mon petit Silence ?

— La cape, les lunettes, dit le taciturne personnage.

— Impossible de distinguer ses traits quand il est venu pour la première fois.

— L’anesthésie préalable…

— Ceci encore ! Nous devions le trouver endormi ; nous lui avions remis, dans ce dessein, un anesthésique d’un effet pour ainsi dire foudroyant. Il suffisait de le respirer… Vos souvenirs doivent compléter les nôtres, ajouta le professeur, en s’adressant à Roland.

— Oui, répondit l’homme-singe, se forçant à une douloureuse tension d’esprit pour rappeler une fois de plus le souvenir de ses dernières sensation d’homme, ce sommeil brusque sur le banc du jardin, ce néant dans lequel je suis entré…

— Il est facile d’en imaginer la raison.