Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/159

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ment adaptée, pouvait tromper un saltimbanque ; aux yeux de Roland, elle se décelait un masque nouveau ou un appât grossier. Le signataire tenait à excuser sa fantaisie et aussi à la rendre naturelle car une apparence empruntée de milliardaire yankee.

Pour le démasquer plus aisément, il fallait aller à lui sans méfiance. S’il était l’ennemi, ses projets le trahiraient.

— Tu iras au rendez-vous, Godolphin, dit l’homme-singe. Imagine-toi que je suis un gorille comme tous les gorilles, qu’il n’y a rien entre nous et qu’un milliardaire désire m’acheter. Manœuvre comme tu manœuvrerais en cette circonstance. Laisse-toi tenter par la somme, que tu chercheras, naturellement, à faire augmenter le plus possible. Sois cupide et rusé. Fais semblant d’hésiter et ne conclus rien, mais sans décourager l’amateur.

— Compris, patron ! répliqua le saltimbanque, en clignant de l’œil. Mais finalement ?… le magot ? ça me passera sous le nez ? C’est dur de s’allumer là-dessus pour la blague.

— Ne te retiens pas. Je crois que tu pourras empocher la somme.

— Vous laisseriez faire l’affaire ?… Oh ! vous êtes rien chic ! C’est pas que je tienne pas à vous : mais une pareille occase !…

— Tu en profiteras, répéta le gorille. Mais regarde bien l’homme et retiens tout ce qu’il te dira.

— Ayez pas peur ! On ouvrira l’œil et les « esgourdes ».

— Et, naturellement, sur nos petits secrets, ne lâche rien. Je ne t’ai jamais parlé, je ne suis jamais sorti de ma cage, tu n’as reçu aucune visite à mon sujet, nous ne sommes pas allés à Fontenay. Tu attends tout simplement que le bruit de mon escapade, à laquelle tu n’as rien compris, s’apaise et te permette de m’exhiber de nouveau à des conditions avantageuses.