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note du criminel donnait en même temps la raison du crime :

« On annonce, disait la coupure, les fiançailles de M. Pasquale Borsetti et de Mlle Violette Sarmange, fille du banquier. »

Le persécuteur de Roland lui prenait sa fiancée.


XVI

Par la patience et la ruse


En affirmant à Roland qu’elle avait gardé son secret, Violette n’avait point menti. Ses parents, d’ailleurs, provoquaient peu ses confidences ; elle les sentait si éloignés de sa propre sensibilité qu’une sorte de pudeur instinctive retenait en elle l’épanchement de sa douleur et de son trouble.

À quoi bon tenter d’entamer la sérénité de Mme Sarmange ? Pourquoi risquer de se heurter au scepticisme du banquier, trop homme d’affaires pour se laisser inquiéter par le mystère ?

Il était trop visible pour Violette qu’elle était seule à se souvenir et qu’en elle seule le drame durait encore. Sa mère, quand elle l’évoquait, se bornait à soupirer placidement :

— Ce pauvre Roland ! Qui l’aurait cru ?…

Et M. Sarmange affirmait avec une brusquerie étroite, une philosophie de banquier qui ne s’attarde point à pleurer ses pertes, mais cherche ailleurs sa revanche.

— Il faut se résigner à ce qui est. Il n’y a plus qu’à oublier.

Oublier ! c’était le mot qui poursuivait la jeune fille, qu’on lui redisait sans cesse, avec tant de persévérance qu’elle n’osait plus s’en indigner.

Toutes les pitiés, toutes les consolations s’enveloppaient de cette promesse d’oubli.

— À votre âge, il n’est point de chagrins éternels, soupiraient les vieilles dames.

— Espère ! Tu trouveras le bonheur, affirmaient les amies de Violette.

Mme Sarmange concluait :

— Le temps efface tout.

Il avait déjà estompé le souvenir de l’absent.