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figé le Corse et la jeune fille dans une immobilité de statues et il ne bougeait guère plus qu’eux. À cette minute, dans le plus profond de son être, chacun des trois personnages n’appartenait plus qu’à un seul sentiment, exclusif de tous autres, l’horreur.

C’était cela qui glaçait Violette, à la lecture de la lettre par laquelle le Corse livrait au scapel du professeur Fringue le cerveau de son rival.

C’était encore l’horreur, qui vitrifiait les yeux de Pasquale Borsetti et suspendait la vie de son corps, pendant qu’il considérait son ennemi, libre et terrible, et qu’il lisait dans ses regards la connaissance de la vérité.

Et c’était elle qui suspendait le bras de Roland, à la vie de l’être, dont la cruauté perverse et perfide lui avait infligé son invraisemblable martyre.

D’ailleurs, cet instant de stupeur, qui parut intermidable à l’angoisse des trois personnages, dura à peine quelques secondes.

— Vous avez lu ?… Vous avez compris ? haleta le gorille.

Et, désignant Borsetti :

— C’est lui ! qui a écrit cela !

C’était la première fois que Pasquale entendait la nouvelle voix de son rival. Il frémit.

— Cet homme vous aimait, continua Roland, et pour m’écarter de vous, il a imaginé cette atrocité.

Tout était clair. Violette, aussi bien que Roland, pouvait reconstituer la trame horrible des événements.

Torturé par une effroyable jalousie, le Corse haïssait le fiancé de la fille du banquier. Le hasard l’ayant mis en possession du secret du professeur Fringue, son imagination démoniaque lui avait suggéré de le faire servir à ses projets.

Tendre le piège, attirer Roland dans le guet-apens, n’avait été qu’un jeu pour cet