Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/186

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être infernal. Caché dans le jardin de la villa des Roses, il s’était sournoisement approché de son rival sans méfiance et l’avait endormi en lui appliquant, à l’improviste, sous les narines, le foudroyant narcotique que lui avait remis le savant.

Et, tout cela fût demeuré secret et impuni sans la lettre qu’avait exigée le docteur Silence — première imprudence imposée par le hasard — et sans sa haine tenace qui l’avait poussé à se rapprocher du gorille, à rêver de l’emprisonner chez lui, pour pouvoir le faire souffrir davantage.

Reportant sur le misérable l’éclair de son regard, l’homme-singe gronda :

— Avoue !

Sournois et félin, le Corse cherchait des yeux une issue. Mais, nulle chance de salut ne s’offrait. Le bras gigantesque l’enveloppait le point terrible était suspendu sur sa tête.

Se jugeant perdu, il eut un sursaut de haine : il se redressa pour une suprême bravade.

— Oui, c’est moi ! hurla-t-il, livide et les yeux injectés de sang. C’est moi qui ai voulu cela. Roland-le gorille ! Et ma mort ne te fera pas retrouver ta forme !

Il éclata d’un rire cynique.

— Un singe !… Le fiancé de Violette est un singe ! Comment oses-tu te montrer, gorille ! Vois ! tu lui fais peur ! Tu lui fais horreur !

La jeune fille s’était levée, pâle et frémissante.

— De vous seul, j’ai l’horreur ! clama-t-elle, d’une voix indignée.

Le gorille se tourna vers elle.

— Retirez-vous, Violette, supplia-t-il.

Elle hésitait, tremblante, à la pensée du drame de sang qu’évoquaient ces mots.

— Cet homme est condamné, prononça Roland, et il ne doit pas mourir devant vous.

— Oh ! pas cela !… pas cela !… murmura-t-elle, éperdue.