Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/197

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pouvez avoir ces instincts, puisque vous avez un cerveau d’homme.

— Mensonge ! En moi, j’ai senti la folie du meurtre, l’instinct de la bête féroce.

— C’est faux ! clama désespérément le professeur. Votre colère est humaine, uniquement humaine. Tous les instincts sont dans le cerveau. Tous ! Tous !

Il semblait repousser avec l’énergie de la peur l’hypothèse qu’il n’eût plus devant lui qu’une bête, inaccessible aux suggestions du raisonnement.

— La bête est en moi comme je suis en elle, prononça Roland avec une obstination farouche. J’ai tué l’homme parce qu’il a « voulu » l’acte.

Le professeur gémit ;

— Demain, je me tuerai parce que je l’ai « subi ».

De nouveau, une plainte sourde s’échappa des lèvres du savant.

— Et ce soir, poursuivit implacablement l’homme-singe, ce soir, je vous tuerai parce que vos mains l’ont « accompli ».

D’un même regard, il enveloppa Fringue et Clodomir ; sûr de sa force, il étendit ses bras gigantesques.

— Je veux vivre ! hurla le professeur, en reculant davantage.

Cette fois, il ne tenta point de reprendre son scalpel, sentant bien la puérilité de cette défense. De combien de coups aurait-il fallu percer le corps du gorille pour tarir la source de cette vie formidable ? Un autre l’avait essayé ? la plaie béante le disait : cet autre était mort et la bête était toujours debout. Avant d’avoir pu trouer son cœur, le crâne du professeur Fringue et pareillement celui du docteur Clodomir éclateraient sous le heurt de son poing, comme des noix trop sèches.

Le sentiment de son impuissance s’acheva d’affoler le malheureux savant.

— Je veux vivre ! répéta-t-il frénétiquement. Je n’ai point achevé mon œuvre. La science me réclame ! La science !

— Périsse la science en votre personne !