Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/196

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Les doigts du professeur Fringue s’ouvrirent lentement et laissèrent tomber le scalpel ; mais il demeura derrière la table.

— Je désire qu’en toute conscience vous prononciez un jugement, reprit Roland. J’ai retrouvé mon double, l’homme qui vous a livré mon corps… et mon âme. Imaginez un instant que j’ai pu fouiller sa pensée et y trouver le mot de l’énigme. Des mobiles de l’homme, de ses souhaits et de leur exécution, je n’ignore rien. J’ai suivi heure par heure, seconde par seconde, l’éclosion de l’idée monstrueuse dans son esprit perfide ; j’en ai suivi l’exécution, dont vous connaissez deux des phases, les principales.

C’est une histoire effrayante : un homme a décidé de rayer de l’humanité un autre homme qu’il haïssait. Il a médité de lui faire subir la plus hideuse des transformations et deux savants l’ont aidé…

— Inconsciemment, s’écria machinalement le professeur Fringue.

Le gorille ne s’arrêta point à l’interruption.

— Trois hommes ont prêté les mains à ce crime abominable : d’un de leurs semblables, ils ont fait une bête. Quel châtiment méritent ces trois hommes ?

— Il faut distinguer, dit froidement le docteur Clodomir. Quels furent leurs mobiles ?

— Subtilités ! riposta le gorille avec mépris. Étais-je coupable ? Je subis la fatalité. Que tous la subissent avec moi ! J’ai tué l’homme…

Le professeur Fringue frémit.

— Je l’ai étranglé, ricana l’homme-singe. Ne suis-je point une bête ? Monsieur le professeur, ne dois-je pas obéir aux instincts de ma forme ?

Les mains du professeur Fringue s’agitèrent dans l’air, faisant des signes de dénégation.

— Non, cria-t-il. angoissé, non ! Vous ne