Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/21

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aléa… un tout petit aléa… Ces nobles sentiments, cet héroïque amour du progrès, survivront-ils à l’acte accompli ? Pour ma part, je n’en doute pas… Mais, enfin, votre personnalité sera légèrement modifiée. Il me semble… il semble au docteur Clodomir qu’il serait convenable… qu’il serait même prudent, pour mettre notre responsabilité à couvert, de pouvoir représenter la preuve de votre volonté actuelle… bref, de pouvoir témoigner, vis-à-vis d’autres, ou vis-à-vis de vous-même, que nous n’avons agi qu’en vertu de votre consentement.

— Cela ne saurait faire de doute, dit l’inconnu un peu agacé.

Consulté du regard, le docteur Silence ne parut point partager cet avis. Son doigt, obstinément, désigna le papier.

— Permettez, cher monsieur, reprit le professeur Fringue, nous devons prévoir l’existence d’un tiers, qui ne sera pas vous, mais qui aura votre apparence… Il faut tout prévoir. Supposez que votre famille…

— Je suis orphelin, célibataire, libre de tous liens.

— Vous avez des amis… Il faut même compter avec les indifférents… On peut remonter jusqu’à nous… nous demander compte de notre acte… Nous devons pouvoir justifier de votre volonté… en justice par une déclaration écrite…

L’inconnu hésita, mais d’une manière imperceptible.

— Vous avez raison, dit-il.

Il s’approcha de la table, saisit le stylographe et écrivit rapidement, sur une des feuilles de papier, quelques lignes qu’il présenta au docteur.

Tenez, fit-il, voici qui vous mettra en règle, même vis-à-vis de moi, si j’avais l’idée burlesque de venir vous adresser des reproches.

Cette idée parut l’amuser prodigieusement. Mais aussitôt, il reprit son sérieux.