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VII

UNE ÉTRANGE CONVERSATION


En lisant les mots tracés par le gorille, Godolphoin passa brusquement par toute la gamme de sentiments qui va de la stupeur à la terreur.

Il regarda le gorille, dont les yeux fixaient les siens et son malaise redoubla ; il leur trouvait tout à coup quelque chose de diabolique.

Des histoires de sorciers changés en bêtes émergèrent soudain du fond de sa mémoire brumeuse ; elles ressuscitèrent, confuses et effroyables, d’autant plus impressionnantes qu’elles restaient vagues. L’idée lui vint aussi que ce pouvait être un tour de ce diable, dont il avait souvent nié l’existence avec de gros rires malins.

Mais le gorille, prenant une éponge dans la boîte fixée au bas du tableau, se mit à effacer lentement les deux phrases — celle de Godolphin et la sienne — et comme si ce geste eût effacé en même temps le phénomène lui-même, le bateleur échappa subitement à l’étreinte de la terreur. Il n’eut plus de mystère devant lui, plus d’angoisse comprimant son thorax. Il respira, libéré, émerveillé et éclata de rire.

— Quelle blague ! cria-t-il à pleine gorge.

En même temps, une crainte — oh ! bien naturelle et bien rassurante celle-là — lui vint.

— Ah ça ! grommela-t-il. Est-ce que j’aurais été mis dedans ?

S’approchant vivement du gorille, il saisit un de ses bras velus, le palpa, l’examina ; puis l’inquisition de son regard monta jusqu’à la gorge embroussaillée de poils ; il tâta la tête grimaçante, dont, seuls, les feux avaient quelque chose d’humain — un reflet d’âme.

— C’est pourtant pas du toc, tout ça ! fit