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la tête et se dirigea vers la porte de son cabinet, dans lequel il entra.

— Je t’ai froissé ? demanda Goldophin, stupéfait, en faisant mine de le suivre.

Mais il reçut la porte au nez. Décidément, le gorille, blessé dans sa dignité, voulait bouder, ou tout au moins se recueillir dans la solitude.

— Monsieur est susceptible ! railla le saltimbanque. Reviens donc, grosse bête ! Je te ferai des excuses.

Mais, soudain, il s’arrêta, intrigué. Un bruit étrange s’élevait de l’autre côté de la cloison.

Godolphin appuya son oreille contre la serrure et écouta quelques instants.

Sa mine, alors, s’ahurit jusqu’à exprimer la stupidité la plus complète.

— Ça ! laissa-t-il tomber, ça !… ça dépasse tout !

Dans le silence du cabinet, des sons rauques, étranges et douloureux s’entendaient, des syllabes encore informes, reconnaissables pourtant, semblaient s’arracher péniblement d’un gosier contracté par l’effort.

Le gorille apprenait — ou réapprenait à parler.


VIII

OÙ LE GORILLE PARLE


Depuis les débuts du singe phénomène, les Folies-Olympiques, selon l’expression consacrée, refusaient du monde. Pour contenter la curiosité de tous les genres de public, en leur permettant de ne point se coudoyer, il avait fallu réserver aux familles une soirée par semaine.

Ces jours-là, la salle présentait un aspect très particulier, car, à côté des enfants venus applaudir l’élève de Goldophin, on voyait les personnalités les plus autorisées du monde savant, médecins et naturalistes, ethnologistes et philosophes, se presser en foule, avides de contempler cette exception qui