Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/77

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rappela à la nécessité de tempérer l’éclat de son verbe, qui commençait à attirer l’attention des voisins.

— On dirait, continua-t-il, en baissant notablement le ton, que sa responsabilité nouvelle l’étonne et le chagrine. Voyez donc il a tout à fait la mine de quelqu’un à qui on a fait endosser contre son gré un costume déplaisant et qui ne sait comment on s’y est pris pour l’en affubler… Voyez donc, docteur Clodomir, voyez donc ! Par instant, il y a dans ses yeux de la fureur… et du désespoir et presque de la démence.

Par petits hochements de tête, le disciple approuvait l’exactitude de ces diverses constatations.

— C’est inconcevable ! murmura le professeur Fringue. Il sait cependant aussi bien que nous…

Abandonnant la scène et le gorille, le regard du docteur Silence décrivit un quart de cercle. Le professeur le sentit sur lui et quitta la lorgnette pour en rencontrer l’interrogation muette.

— Oh ! oh ! docteur Clodomir, fit-il stupéfait de ce qu’il y lut, prétendrez-vous insinuer que… que notre individu ne se souvient pas ?

Sa voix trahit une soudaine inquiétude. Il se pencha davantage vers son voisin et murmura mystérieusement.

— Est-ce que… Est-ce qu’il serait… par aventure… devenu fou ?

La moue du docteur Silence exprima le doute.

— Il y a pourtant quelque chose de cela… Voyez les yeux, docteur Clodomir. Ce ne sont pas les yeux d’un… d’un être qui se rend pleinement compte de ce qui lui arrive… Diable !… Diable !… Voici qui serait fâcheux, excessivement fâcheux pour notre expérience.

— On pourrait… voir… suggéra le doc-