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teur Silence, en pointant discrètement son index vers la scène.

— Oui… oui ! vous avez raison, dit le professeur dont l’agitation allait croissant. Il faut le voir de près… l’examiner… l’interroger.

— L’acheter…

— Le voler, s’il le faut ! prononça héroïquement le professeur Fringue. Nous l’avons retrouvé, il ne faut plus qu’il nous échappe. Nous irons…

— À l’entracte, chuchota le docteur Clodomir, en calmant du geste l’impatience de son compagnon.

Et tous deux, reprenant leurs jumelles, les braquèrent de nouveau sur le gorille.

Les exercices du phénomène touchaient à leur fin. Il venait de gagner une partie de dames, entamée contre un spectateur de bonne volonté, et se relevait en laissant à son maître le soin de triompher pour lui.

À ce moment, l’éventail de Mme Sarmange, échappant à sa main nonchalante, tomba sur la scène, presque aux pieds du gorille, dont l’attention, fut attirée par le petit cri que poussa la bonne dame.

Machinalement, il se baissa pour le ramasser, aux applaudissements de la salle en délire. Ses yeux, en même temps que son formidable bras, se levèrent vers l’avant-scène pour y chercher la propriétaire de l’objet et le lui rendre.

Déjà, Mme Sarmange, un peu confuse de l’ovation ironique qu’elle partageait avec le singe, se penchait pour essayer d’attraper l’éventail.

Mais l’attitude du gorille avait brusquement changé. Il demeurait cloué sur place, le bras à demi-levé, les yeux fixes, fascinés, la poitrine haletante. Un son rauque s’échappait de sa gorge.

Il venait d’apercevoir ceux qui garnissaient l’avant-scène : le banquier et Borsetti, Mme