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L’autre bras du noctambule se dégagea du manteau, il empoigna l’apache et le souleva sans effort.

Suspendu de la sorte, geignant et gigotant, le rôdeur eut le temps d’apercevoir un bras velu, couvert d’une toison noire, une main, noire aussi, et, tout près de lui, un visage étrange, un masque effrayant et horrible, qui n’avait rien d’humain.

Le bizarre promeneur le balança un instant, comme s’il voulait l’écraser contre le sol. Puis, haussant tout à coup les épaules, il le lâcha, l’envoya rouler à terre d’une simple poussée de sa main puissante et continua paisiblement sa route, sans plus s’occuper de son chétif agresseur.

Derrière lui, l’apache se releva et s’enfuit dans la nuit en bégayant, fou de terreur.

— Une bête !… Une bête !…

En vérité, cette nuit-là, il suffisait d’avoir entrevu la face du gorille pour se sentir légitimement en proie à la plus démente des peurs.

Que faisait donc, si calme, si terriblement calme, le gorille évadé des Folies-Olympiques ? Où allait-il, à cette heure ?

Lorsqu’il était sorti de scène, traînant après lui la grappe humaine accrochée à ses membres, il s’était dirigé, sans faiblir un instant, vers l’étroit escalier conduisant aux loges d’artistes. Chacun de ses pas était une secousse furieuse détachant de ses flancs géants un pygmée humain ; il avançait, semant ses adversaires, qui roulaient, sur le parquet, épuisés et meurtris. C’est ainsi que Godolphin était demeuré en arrière, puis d’autres.

Quand il s’engagea dans l’escalier, il ne restait guère au gorille qu’une dizaine d’ennemis. Mais alors, la scène changea et aussi sa tactique. Entre les murs étroits, la bête s’élança d’un puissant effort, et son élan fut tel que le groupe attaché à lui se trouva entraîné et brusquement comprimé entre les pa-