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tait Roland Missandier.

Un rauque sanglot s’échappa de la gorge du gorille. Il inclina son front jusqu’à heurter le marbre de la cheminée et pleura devant l’image.

Un bruit, venu du dehors, le fit soudain tressaillir. Précipitamment, il se redressa, marcha vers la porte entr’ouverte d’une penderie et disparut dans un fouillis de robes.

Dehors, la grille grinça en tournant sur ses gonds ; une auto vira, s’engagea dans le passage et s’arrêta devant le perron.

Flavien Sarmange rentrait, avec sa femme et sa fille.

L’alerte qui les avait dressés, terrifiés, dans leur loge et leur avait fait quitter précipitamment les Folies-Olympiques avait été de courte durée. Une fois dans la rue, ils retrouvèrent leur sang-froid, et le banquier fut le premier à plaisanter et à railler leur terreur.

Vers une heure du matin, on se sépara et le Corse s’éloigna à pied, tandis que les Sarmange remontai eut dans leur auto.

Après avoir souhaité une bonne nuit à ses parents, Violette, rentrée dans la chambre et la porte close, quitta son masque de résignation mélancolique ; le chagrin comprimé durant toute la soirée remonta brusquement de son cœur à sa gorge et à ses yeux ; ses lèvres tremblèrent, ses cils s’humectèrent et des perles oscillèrent au bord de ses paupières avant de rouler le long de ses joues. Comme le gorille, l’instant d’auparavant, elle fut s’accouder au marbre de la cheminée, écarta de la photographie la mélancolie de la rose, pour y substituer celle de ses yeux voilés de larmes. Longuement elle contempla le fiancé chéri.

— Roland… murmura-t-elle tout bas, Roland !…

Appel insensé, sans espoir d’être entendu, puérile et touchante invocation, peut-être adressée à l’âme, persistante et toujours présente là où on se souvient d’eux, de ceux que nous aimons, ou balbutiement involontaire, plainte, cri de douleur et de regret, Violette ne savait. Ses lèvres, après son cœur, pro-