Aller au contenu

Page:Magre – Conseils à un jeune homme pauvre qui vient faire de la littérature à Paris, 1908.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui comme une atmosphère. Tu seras même bien étonné un jour si tu vas aux courses, quand on te désignera un homme très modestement vêtu et qu’on te dira : C’est un Rothschild.

Du reste l’estime d’un honorable pauvre est plus précieuse quelquefois que l’amitié d’un ministre.

Mais songe que tes plus grands ennemis sont en toi. Ils sont cet afflux du sang à tes joues, cette paralysie déplorable qui te fera bégayer, te donnera une apparence humble et modeste, quand tu seras en présence du directeur du Figaro, ou de celui de l’Odéon. Tu serais jugé d’un coup d’œil, classé pour la vie, et sans que ce jugement soit susceptible d’appel, dans la catégorie des personnages de troisième plan, qu’on fait attendre, qu’on reçoit debout, auxquels on n’accorde que quelques minutes, qu’on ne croira jamais susceptibles de grandes choses.

Résiste à cette voix qui te pousse à dire tout de suite à l’homme influent que tu vas solliciter : Mais oui, ma demande est exagérée et absurde. Il est légitime que vous la repoussiez. Excusez-moi de vous avoir dérangé.

Ne tombe pas dans un excès contraire d’audace simulée ; ne te flatte pas d’une influence illusoire sur tes camarades, ou d’une ambition démesurée que tu n’as pas : ce serait plus fâcheux encore ; tu serais considéré comme un de ces dangereux arrivistes dont il faut refréner l’ardeur, dont on peut tout craindre.