Aller au contenu

Page:Magre – Conseils à un jeune homme pauvre qui vient faire de la littérature à Paris, 1908.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chargé à l’égard de ce terrible ami ! Il fera des visites avec toi, écrira des lettres élogieuses sur ton compte, et cela sans raison, à cause de la sympathie personnelle que tu lui auras inspirée. Il t’annoncera enfin qu’il a trouvé une situation sérieuse, un poste sûr.

C’est alors qu’il te faudra un grand courage.

Ce poste sûr tu dois le refuser, si quelque espérance est en toi, si quelque vertu t’anime. Mieux vaut déjeuner encore pour quelques sous, être un sujet de colère pour ta repasseuse, courir dans la rue lorsqu’il fait trop froid, ne plus revoir l’ami de ton père actif et bon.

Tout jeune homme qui vient à Paris trouve cette situation. C’est une machine quelconque aux rouages inexorables, société industrielle, grande maison d’édition, compagnie d’assurances où il est jeté et broyé pour cent cinquante francs par mois avec la certitude d’en avoir deux cents dans dix ans.

N’accepte pas, meurs plutôt.

Surtout ne te dupe pas toi-même en acceptant à titre d’essai pour deux ou trois mois. La servitude dans laquelle tu tomberais, l’amitié de tes compagnons médiocres, les petits bonheurs du dimanche feraient rapidement de toi un lâche dont les désirs sont bornés. Tu perdrais l’habitude de l’effort véritable, qu’on accomplit pour soi-même, librement. Peut-être finirais-tu par croire que tes sept heures d’écriture constituent un louable travail. Tu serais