Page:Magre – Conseils à un jeune homme pauvre qui vient faire de la littérature à Paris, 1908.djvu/61

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invité dans de petits appartements par d’autres employés où des femmes laides mais laborieuses font le ménage, préparent le dîner. Le charme de la pauvreté propre et honnête te saisirait. Tu te trouverais des prétextes pour attendre les cent cinquante francs du mois suivant. Il te faudrait plus de force pour vaincre l’espérance misérable de cent cinquante francs, qu’il ne t’en a fallu pour vaincre ta province coalisée et venir à Paris.

N’accepte que des situations incertaines. Les nouveaux journaux, les théâtres qui se fondent, les cabinets des ministres, si cela t’est possible, doivent être plus désignés à ton ambition, parce qu’ils sont passagers par leur nature. Tes maîtres n’exigeront pas trop de toi pour que tu n’exiges pas trop d’eux-mêmes. Ce seront des hommes dans ton genre avec quelques années de plus.

Ne prête pas d’attention au mépris apparent que pourront te témoigner des médiocres, parce que tu ne gagnes pas un argent régulier.

Si tu rencontres un ami arrivé, jadis semblable à toi, aujourd’hui bon fonctionnaire, richement marié et s’il te prend en pitié à cause de ton état instable, appuie-toi pour résister à son hypocrite sympathie, sur l’amour de toi-même, comme sur une colonne de marbre. Pardonne-lui l’excès de bonté qu’il te témoigne puisqu’il ne soupçonne même pas quelle hauteur tu veux atteindre.