Page:Magre - Isabelle la grande.djvu/16

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plus spécialement, nous ne pouvons passer sous silence ses livres de critique et d’imagination, car ils révèlent la variété et l’étendue des sujets où se plaisait la mobile vivacité de son esprit.

Elle raconta d’abord dans un grand volume illustré, qui fut récompensé par un prix Montyon, ses voyages dans la région de la Mésopotamie, de l’Iran et du Caucase (la Perse, la Chaldée et la Susiane, Hachette, 1887). À Suse, où elle joua le rôle de collaboratrice assidue et de chef d’équipe, elle se chargea de tenir le journal des fouilles, précieux recueil où sont notées soigneusement toutes les circonstances qui accompagnèrent la découverte des palais de Darius et d’Artaxercès (À Suse, Hachette, 1888) ; bien des fois il est utile d’y recourir, afin de préciser l’état des monuments, l’emplacement exact des objets au moment des trouvailles, et de fixer certains points importants pour la discussion des diverses restaurations proposées. On y trouve aussi, à chaque page, les preuves de l’intrépidité, du calme presque enjoué avec lequel la jeune exploratrice affrontait des difficultés souvent graves et périlleuses. La croix de chevalier de la Légion d’honneur fut la récompense bien méritée du tranquille courage et du labeur qui rapportaient à la France un musée entier d’antiquités erses.

Nous devons à celui qui a suivi de plus près les travaux de la mission les réflexions suivantes sur les qualités que Mme Dieulafoy déployait dans les entreprises diverses auxquelles elle se consacra : « Son œuvre archéologique a été pratique et théorique. D’une manière générale, elle a trouvé une aide puissante dans un goût très fin, très délicat, qu’avait encore affiné l’étude du dessin et surtout de la sculpture, et aussi de grandes facilités dans la connaissance de plusieurs langues étrangères. Mme Dieulafoy savait l’anglais, l’espagnol et le persan ; elle lisait l’italien, le portugais et elle avait assez bien appris l’arabe marocain pour causer avec les femmes indigènes et servir d’interprète quand l’occasion s’en présentait. Au cours des voyages en Perse, en Espagne, au Portugal, elle a été à tous les instants une collaboratrice précieuse, aidant à relever les monuments, à les analyser, à les photographier. Sur le terrain, soit à Suse, soit à Rabat, elle a dirigé les chantiers de recherches avec une méthode, une sûreté, une décision, souvent même une divination qui ont eu les résultats les plus heureux. En Perse, son courage n’a jamais faibli, même dans les circonstances les plus périlleuses, et son sang-froid a été pour la mission un énergique réconfort. »

Est-ce cette naturelle vaillance qui la portait à chérir la patrie du Cid d’une tendresse si particulière ? À cette affection pour l’Espagne nous devons des livres d’un caractère plus spécialement historique : Aragon et Valence (Hachette, 1901), Castille et Andalousie (Hachette, 1908), et