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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/269

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LA LUXURE DE GRENADE

l’odeur même de la ville décomposée et mourante.

Et dans cette misère extrême, comme s’il était enfanté par les ferments de la pourriture, se développa un âpre, un maladif désir de jouir avec cette chair qui allait se gâter.

Dès que le soleil se couchait, les rues s’emplissaient de louches murmures. Les femmes ne pouvaient sortir sans risquer d’être renversées et violées. Les mauvais lieux étaient assiégés. Les esclaves Espagnoles et les danseuses Berbères qui s’y adonnaient à la débauche y firent fortune en quelques jours. La rue Haute, qui était la rue des maisons publiques, offrait un singulier spectacle. Les femmes s’y tenaient devant leur porte, sous des peignes de pierreries, montrant, par leur gandourah ouverte, leur corps recouvert de bijoux de la tête aux pieds. Auprès d’elles, le nègre qui les gardait, en était chargé lui-même. La joie de la richesse faisait s’épanouir l’orgueil sur leurs faces, si bien que celui qui gravissait la rue Haute croyait marcher entre des rangées de reines impudiques, d’idoles obscènes adorées par un peuple corrompu.

Et cette soif effrénée de jouissance s’était occultement communiquée au camp Espagnol.

Les chevaliers, les gens de la Sainte-Hermandad, les Galiciens, les mercenaires, tous espéraient et escomptaient le pillage de la ville. Ils savaient que Malaga était avec Grenade la plus riche cité du royaume des Maures. Le soir, devant les tentes, ils traçaient sur le sable des plans de la ville. Ils se montraient l’emplacement de la rue des bijoutiers, des mosquées, du palais d’Ali Dordux. C’est là qu’il