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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/270

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LA LUXURE DE GRENADE

faudrait se ruer tout d’abord. Mais c’était surtout les femmes qu’ils convoitaient. Des prisonniers renégats avaient fait la description des plus belles filles. On les connaissait par leur nom. On les jouait aux dés. On se les partageait d’avance. Zorah, la fille d’un marchand de soieries, qui était célèbre à Malaga pour sa beauté, sa chasteté et son amour de la poésie était la plus désirée avec Rachel, une jeune fille juive de seize ans. Et tous, à la clarté des feux qui luisaient sur leurs armures défaites, ils voyaient en rêve de somptueuses demeures aux portes enfoncées, des chambres pleines de velours et des lits où, sur des brocarts d’or, ils mettaient nues des vierges tremblantes de peur.

Une nuit, Almazan fit un rêve.

Sur une place brumeuse, il voyait Christian Rosenkreutz, pauvrement vêtu et tenant un bâton à la main. Il avait sur son dos, attaché par une courroie, un sac de cuir, comme ceux qui vont faire un long voyage à pied. Son visage était triste et ses yeux d’ordinaire brillants étaient voilés. Il portait autour du cou l’emblématique croix en or alchimique avec une rose épaisse en son milieu et cette croix et cette rose qui ne brillaient pas dégageaient pourtant une sorte de rayonnement surnaturel. En voyant Rosenkreutz, Almazan tendait les bras et s’élançait vers lui. Alors Rosenkreutz tournait un peu la tête de son côté, il le considérait comme on considère un inconnu qui