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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/275

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LA LUXURE DE GRENADE

butait sur des ordures qu’on ne balayait plus et qui formaient de grands tas.

Des gens épuisés, assis sur ces ordures, ne se détournaient même pas pour le regarder. Des bandes de vautours s’envolaient sur ses pas et se posaient en grappes sur les palmiers desséchés des places publiques.

Il atteignit enfin sa maison. Isabelle était rentrée. Elle avait un visage fermé, hostile. Almazan vit avec surprise qu’elle cachait dans un coffret, précieusement, un crucifix d’ivoire. Était-ce cela qu’elle était allée chercher dans les rues de Malaga ?

Cette question fit éclater sa colère.

Est-ce qu’elle n’était pas chrétienne, est-ce qu’elle n’était pas Espagnole ? D’ailleurs, on l’avait enlevée par violence. Il y avait une malédiction sur Malaga et sur le peuple qui la défendait. Elle ne voulait pas être confondue avec le troupeau des filles musulmanes, quand il y aurait le pillage de la ville. Elle voulait vivre et elle prenait ses précautions.

— Quelles précautions ? demanda Almazan.

Elle répondit qu’Isabelle de Solis obtiendrait toutes les sauvegardes qu’elle voudrait de don Gutierre de Cardenas, un des héros de la guerre. Elle l’avait connu à Séville. Il était aisé de lui faire parvenir un message par un transfuge, la nuit.

Almazan déclara qu’il était résolu à l’empêcher d’envoyer ce message.

Alors, l’indignation d’Isabelle fut à son comble.

— Parce que je t’ai aimé, je suis liée à toi pour toujours et après avoir été l’esclave d’un roi, je deviendrais celle d’un soldat espagnol, rien que pour