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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/276

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LA LUXURE DE GRENADE

avoir l’honneur de partager ton sort. Est-ce que c’est ma faute, si tu es un renégat, si tu ne peux pas rentrer en Espagne ? Il ne le fallait pas empoisonner autrefois l’archevêque de Séville. Avec moi, ce n’est pas la peine de nier. J’ai vu son serviteur que tu avais tué aussi, la nuit où je me suis réfugiée dans ta maison de Triana. J’ai regardé en m’en allant par la serrure et j’ai compris pourquoi tu ne m’avais pas prise, quand je m’offrais à toi. Il paraît que tu as peur des morts !

Almazan demeura silencieux. Ainsi Isabelle avait cru qu’il était l’assassin de son protecteur ! C’était peut-être pour cela qu’elle l’avait aimé ! Il eut le dégoût de lui-même comme s’il avait réellement commis ce crime.

Il monta sur la terrasse de sa maison et il y resta longtemps, debout. Le soleil se couchait. Une femme et un vieillard, dans le jardin, tiraient péniblement du puits une eau croupissante. Des vautours, avec un bruit d’ailes, s’envolaient de la mosquée Djouma où un muezzin disait d’une voix brisée la prière du soir. L’air était écrasant et chargé d’odeurs affreuses. Partout, dans cette ville torturée, le désespoir emplissait les âmes.

Et il comprit que son amour, par une loi naturelle, se décomposait, lui aussi, avec l’haleine des puits morts et la pourriture des cadavres abandonnés aux bêtes.

La fin du monde n’arrivait pas. Loin de s’éteindre,