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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/312

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LA LUXURE DE GRENADE

Les formalités mortuaires et religieuses se déroulèrent avec une lenteur sacrée.

Les rois prêtèrent le serment de fidélité à l’Église. Le porteur des Saints Évangiles fit trois fois le tour du Quemadero, précédé par le porteur de l’étendard de la Foi. Un majordome de la confrérie de Saint Pierre Martyr tira d’une cassette d’ébène les sentences des condamnés. Ceux-ci les écoutèrent agenouillés. Et il y eut d’autres messes, des prédications, des abjurations.

Et soudain un silence surnaturel plana sur la foule de la place et celle des rues qui y aboutissaient et qui étaient haletantes comme des gorges humaines. Alors les mères levèrent leurs enfants au-dessus d’elles pour leur montrer le châtiment des pécheurs et la plupart des hommes auraient désiré être bourreaux afin de clouer et de trancher, afin de transmettre la douleur.

Car le moment était venu pour les bourreaux de clouer des mains sur les piloris, de détacher les poignets avec les épées à deux tranchants, d’étrangler avec les garrots.

Une explosion de joie illimitée, un délire de cris s’éleva jusqu’au ciel et empêcha d’entendre les gémissements des suppliciés, en sorte qu’on ne voyait que leurs contorsions de douleur et ces grimaces étaient plus terribles par leur apparence de silence.

Un seul cri fut perçu, un seul cri alla très loin, comme porté par des ailes étranges : c’était le dernier cri de la sorcière de Triana dont le bâillon venait de se détacher.

— Jésus-Christ ! Jésus-Christ ! sauve-moi !