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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/38

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LA LUXURE DE GRENADE

de l’ignorance et que la vérité prenait possession de moi, je devenais puissant et par conséquent redoutable. Mais l’essentiel est que tu vives et pour cela il te faut fuir. Dès que tu auras lu ces mots, pars pour Grenade. Pars sans réfléchir, immédiatement et ne reviens à Séville, ni pour régler tes affaires, ni pour dire adieu à tes amis. Je te l’ordonne au moment de ma mort. C’est ma dernière pensée. À Grenade…

L’archevêque Carrillo s’était arrêté d’écrire sur ce mot. Il avait dû faire un grand effort, car les dernières lignes étaient tremblées et à peine lisibles. Il avait essayé de continuer, mais il n’avait pu y arriver. Des traits incohérents indiquaient que sa main avait cessé d’obéir à sa volonté. Pourtant il avait pu réunir ses forces et il était parvenu à tracer un nom au bas de la page, un nom qui était inconnu pour Almazan. Ce nom était :

— Christian Rosenkreutz.

Almazan le répéta machinalement deux ou trois fois.

Alors, il se rappela avoir entendu parler par l’archevêque lui-même d’une mort survenue dans des circonstances analogues et qui avait été marquée par les mêmes signes. Don Pedro Giron, grand-maître de Calatrava et neveu de Carrillo, était sorti d’Almagro, quelques années auparavant, suivi d’une nombreuse escorte. Il se rendait auprès de l’infante Isabelle, agréé par son frère Henrique, comme son fiancé. Il avait couché au village de Villarubia, voisin de Ciudad Real. Au matin, on n’avait retrouvé dans sa chambre qu’un cadavre, si blanc, que le serviteur