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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/56

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LA LUXURE DE GRENADE

pris pour un autre visiteur qui était attendu, Almazan s’arrêta et dit :

— Va prévenir Aboulfedia que son ancien élève, Almazan, désire lui parler.

Mais non, il n’y avait aucune méprise. Le borgne eut un petit mouvement des épaules qui voulait dire qu’il était absolument inutile de prévenir Aboulfedia et, comme pour lui aider à monter les trois marches du perron, il prit Almazan par le bras, en le lui serrant d’une pression longue et si familière que celui-ci faillit l’envoyer rouler au milieu du jardin d’un coup de poing.

Mais il se contint.

L’étrange serviteur venait de le pousser dans une grande pièce entourée de colonnes et il repartait déjà en courant dans le jardin, sans doute pour ouvrir à un nouveau venu, car des coups lointains avaient retenti au portail.

La pièce où Almazan venait d’entrer était mal éclairée par deux lampes qui ne jetaient qu’une lueur confuse. Il y eut un rire étouffé, un froissement d’étoffe et une forme enveloppée dans une grande cape marron laissa retomber une portière et disparut. Almazan n’eut que le temps de voir une main blanche et l’éclair d’une pierrerie rougeâtre.

Il était seul. Il regarda autour de lui. Les murs étaient recouverts de tentures précieuses en soie lamée qui étaient fanées et souillées. Les tapis avaient des trous. Un coussin éventré avait répandu ses plumes en cercle comme l’humeur blanchâtre d’une blessure. Dans un coin on avait oublié une cruche vide qui avait dû contenir du vin.