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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/63

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LA LUXURE DE GRENADE

du diable, le sabbat catholique avec son bouc, fils du vieux bouc égyptien, et ses sorcières imitatrices des Bacchantes n’est qu’une reproduction de l’antique culte du plaisir que l’humanité ne veut pas laisser échapper. Et le principe est le même partout. C’est la profanation de la chasteté, la promiscuité dans la volupté.

Le visage d’Aboulfedia était devenu hideux. Des gouttelettes de sueur, colorées en noir par la teinture de ses cheveux, perlaient à ses tempes. Ses mains grasses tremblaient. Il se laissa tomber au milieu des coussins et y resta dans l’attitude d’un homme qui voit une scène extraordinaire.

Almazan le considérait avec dégoût. Il se sentit las soudain. Il songea à l’air pur de la grande route. Il se leva.

— Almazan, dit Aboulfedia, en se levant aussi, tu es un artiste et tu aimes la beauté. Sans doute as-tu entendu parler de celle à qui je fais jouer le rôle de Lilith et de cet adolescent que j’ai trouvé avec tant de peine et dont la forme ambiguë est celle de Belial lui-même, le démon qui incarne l’attrait des deux sexes.

Non, Almazan n’avait entendu parler d’aucun de ces personnages. Il ne voulait pas les connaître. Il eut envie de faire honte au vieux médecin, de lui rappeler son ancien amour de la science et les nuits qu’ils avaient passées tous les deux, penchés sur des cadavres de condamnés à mort, essayant de déchiffrer le mystère des organes humains ? C’était une prostituée qui était venue vers Aboulfedia, une nuit, au lieu du Messie attendu. Qu’importe ! Est-ce qu’il n’y