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Page:Magre - La Tendre Camarade, 1918.djvu/34

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LA TENDRE CAMARADE

Il y a ensuite une grande foule de femmes dont les liaisons, par le mystère de leur destinée, sont marquées du sceau de la brièveté ; elles ne touchent que de petites sommes d’argent ; les chasseurs et les barmen donnent leurs adresses aux clients qui les demandent ; elles sont toujours libres pour dîner ou passer la nuit.

C’est un peuple malheureux, élégant, parfumé, agité, et une grande distance les sépare des femmes qui sont sur les derniers degrés de l’échelle. Celles-là sont les créatures de l’enfer, les démons grotesquement maquillés, vêtus d’oripeaux voyants, qui habitent les bouges du port vieux, filles à matelots et à soldats, perpétuellement menacées du coup de couteau de l’ivrogne, de la police ou de l’hôpital.

Une puissante hiérarchie éloigne ces êtres les uns des autres, les fait se haïr et se craindre, car celles d’en bas jalousent celles d’en haut, et celles d’en haut ne veulent pas penser même à leurs sœurs inférieures, pour que jamais ne leur vienne l’idée trop triste qu’elles pourraient un jour descendre jusqu’à elles.