Page:Maillard de Marafy - Grand dictionnaire international de la propriété industrielle, livraison 1 à 3.djvu/19

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13. — Certaines expressions de cette remarquable sentence nécessitent une observation. Il y est dit que le long usage peut faire tomber un nom dans le domaine public : or, il n’est pas inutile de rappeler que cette cause d’abandon ne se rapporte qu’à la catégorie d’intérêts nés, ainsi que nous l’avons exposé (Voy. no 5), avant les lois qui régissent aujourd’hui la matière.

14. — Tel qu’il est, cet arrêt aurait suffi pour fixer la jurisprudence ; mais il a été singulièrement corroboré par un arrêt de la Cour de Paris rendu avant le critérium fourni par la Cour de cassation. La Cour de Paris, tout en déclarant que la désignation « vinaigre de Bully » employée par d’autres que les successeurs de Bully était illicite, avait jugé que la locution « d’après la recette de Bully » ne l’était pas. La Cour de cassation a jugé que cette mention du nom de l’inventeur était une usurpation. Elle a cassé l’arrêt dans les termes suivants, dont la précision ferme la porte à toute échappatoire, et fait disparaître ce qui, dans le précédent, aurait paru, par insuffisance de rédaction, légitimer certains abus :

15. — « Attendu que le nom patronymique d’un inventeur reste sa propriété exclusive à l’expiration de son brevet, et ne peut pas être employé sans son assentiment par ceux qui fabriquent le produit tombé dans le domaine public ; que cette règle souffre, il est vrai, une exception dans le cas où, par le consentement soit tacite, soit exprès, de l’inventeur, son nom est devenu la seule désignation usuelle et nécessaire du produit breveté ; mais que les tribunaux ne sauraient autoriser une telle dérogation au principe général, qui ne permet de se servir du nom d’autrui, qu’à la condition de constater expressément l’existence des circonstances qui peuvent la justifier. » (Rég. int. de la Propr. ind., 1882, p. 27.)

16. — La Cour de renvoi, se conformant à cette doctrine, a rendu, le 4 août 1881, un arrêt dont nous reproduisons les motifs suivants :

17. — « Attendu que, dans les brevets d’invention et de perfectionnement obtenus en 1809 et en 1814, le vinaigre fabriqué est désigné sous le nom de vinaigre aromatique ou antiméphitique ; que le nom de l’inventeur n’y est pas expressément attaché, et qu’on ne peut dire que sa volonté ait été d’en faire la marque essentielle du produit. » (Rég. int., 1887, p. 27.)