Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/228

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les fleurs. On ne voyait que sa face pâlie et sa longue chevelure noire épandue parmi les jasmins et les roses. Oscillant aux cahots du chemin et au hasard des mouvements des porteurs, la morte paraissait dormir et les gens du cortège se féliciter de la manière commode dont elle accomplissait son voyage… Ne me demandez pas des détails sur le bûcher ni sur la crémation. Je ne saurais trop le répéter, ma fidèle habitude est de ne pas m’immiscer dans les fêtes où je ne suis pas convié. Le spectacle d’une incinération n’a rien de particulièrement curieux ni de nouveau, tant les voyageurs se sont appesantis sur la chose. On ne brûle plus, en pompe, les veuves vivantes avec leurs époux décédés. C’est un progrès. Mais la règle de la vie leur assure une condition tellement misérable, avec la servitude et la prostitution familiales, que la plupart de ces veuves n’hésiteraient pas à monter sur le bûcher si elles en avaient congé.

Ce qui est bien curieux, à mon sens, c’est le petit pagotin des environs, où un pandaram mène sa procession solitaire en débitant ses oraisons au pied de la statue équestre d’Aïnar. La silhouette du gigantesque cavalier se profile sur le ciel embrasé par le soleil à son déclin, et