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Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/93

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reconnaissant la bayadère de la mairie, et combien elle était changée !

Celle que j’avais vue noire et chétive, vêtue avec un luxe de pacotille, au jour cru de la véranda, apparaissait dans la splendeur de ces fées qui, pour tenter les solitaires ascètes, émergent avec un chant d’oiseau du calice des fleurs. C’était bien elle la reine de Saba qui troubla le bienheureux Antoine, abbé du désert. Symbole de l’Inde mystérieuse et sensuelle, où la nature flatteuse et hostile attire sans cesse l’étranger pour le prendre et le garder dans son sol, de l’Inde qui garde tout, ses envahisseurs comme les enfants de sa terre, la danseuse de Çiva semblait me dire : « Regarde-moi, étranger tout à la fois puissant et fragile, impur à mon regard autant que le dernier des parias. Je suis le génie familier de la pagode, et mes pas harmonieusement comptés réjouissent le dieu qui sommeille au fond du sanctuaire où tu ne pourras jamais pénétrer. C’est pourquoi je me ris de toi en t’honorant pour la forme. Tu voudrais, peut-être, nous arracher nos secrets, pénétrer nos mystères, dévoiler nos symboles. Illusion ! C’est Maïa seule qui te guidera, et elle t’abandonnera bientôt dans les ténèbres. Tu entreras,