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déjà remarqué son envoi au Salon d’Automne, car sa toile était fraîche. Je suis prêts à donner cent francs à celui qui peut me montrer vingt toiles fraîches dans une exposition. Cette fois-ci cette prodigieuse qualité a disparu en grande partie. (Je suis obligé d’avertir mes lecteurs que je n’ai vu que deux toiles sur les trois qu’il doit envoyer, l’autre n’étant pas encore arrivée), J’ignore si la critique du juif Apollinaire — je n’ai aucun préjugé contre les juifs, préférant, la plupart du temps, un juif à un protestant — lui donna de l’incertitude, quand cet espèce de Catulle Mendès déclara dans une de ses critiques qu’il était le disciple de Delaunay. Se laissa-t-il prendre à pareille fourberie ?

Ses deux natures mortes ont un peu cette même sécheresse d’aspect qui se montre dans la typographie des couvertures des livres de M. Gide. Ne sachant absolument rien de M. de la Fresnaye, j’ignore quel milieu il fréquente, mais je suis persuadé qu’il est mauvais. Son nom me dit qu’il est noble et sa peinture qu’il est distingué. La distinction est bornée d’un côté par la voyoucratie et de l’autre par la noblesse. Elle est donc au milieu et, comme toutes les choses au milieu, elle est la médiocrité. Tout noble a du voyou en lui et tout voyou du noble parce qu’ils sont les deux extrêmes. La distinction étant enfermée dans des limites n’est jamais qu’elle-même et appartient aux talents. Il manque donc à M. de la Fresnaye le dernier jeu de la couleur et la liberté suprême. Cet artiste ne doit pas être un de ceux qui, ayant terminé un chef-d’œuvre, penseront : je n’ai pas