Page:Mairet - Marca.djvu/72

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« En effet, c’était lui qui me conduisait, au lieu de se laisser conduire par moi ; il s’arrêta net : je lui aurais fait quelque reproche sanglant, qu’il ne serait pas devenu plus pâle. Il bégaya un instant, puis je démêlai que le décorateur chargé de l’ameublement de l’hôtel lui avait demandé des conseils en sa qualité d’artiste, et que, de cette façon, il avait fait connaissance avec les appartements, mais « avant l’arrivée de madame la baronne — bien avant son arrivée… » Qu’avait-il besoin d’appuyer tant sur ce fait ? Mais à coup sûr c’était avant son arrivée ! Décidément les artistes ne sont pas faits comme les gens ordinaires ; s’ils sont tous dans le genre de M. Nariskine, ils manquent terriblement de bon sens !

« Le tableau de M. Nariskine, que je n’avais pas encore remarqué, est une grande toile représentant un intérieur de marchand de bric-à-brac ; un vieux juif, aidé d’une jeune fille merveilleusement belle, est en train de montrer des objets anciens à un beau garçon qui regarde la jeune fille, tout en faisant semblant d’écouter le marchand ; ce sujet qui, à mon sens, aurait bien pu être traité sur une petite toile, — il me semble que je fais de la critique, ce que c’est que de vivre dans un milieu intelligent ! — était pourtant fort bien étudié ; les costumes, le fouillis des étoffes et des bibelots, les tons de chair très vivants, le tout éclairé par une lumière éclatante