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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


De cette manière, dit-on, le lait se conserve frais pendant 8 jours, et la crême s’en sépare comme à l’ordinaire et sans mauvais goût. Enfin, on a proposé bien d’autres moyens pour saturer l’acide à mesure qu’il se forme, et empêcher le lait de se cailler ; tels sont une petite quantité de magnésie, de sous-carbonate de potasse ou de soude, etc.

La conservation de la crême est plus facile quand cette substance est bien exempte de matière caséeuse et de petit-lait. Il suffit alors de la placer dans des pots à ouverture étroite et fermant exactement, qu’on dépose dans un lieu frais, pour la soustraire au contact de l’air et aux variations de température de l’atmosphère. Exposée à l’air, la crême, au bout de 3 ou 4 jours, devient jaunâtre, très-épaisse, et dans l’espace de 8 à 10, sa surface se recouvre de moisissures. En même temps elle contracte un goût d’aigre, noircit ensuite, puis se corrompt. Dans le Gloucester, aux environs de Londres, en Hollande, et en beaucoup d’autres lieux, on verse chaque jour la crême d’un vase dans un autre, et avec un couteau de bois on la remue chaque jour et même plusieurs fois par jour pour empêcher qu’il ne se forme à sa surface cette pellicule jaunâtre qui nuit à la délicatesse du beurre, et pour s’opposer aussi à ce que la crême ne s’épaississe à consistance de colle, ou ne prenne un aspect gélatineux, circonstance qui se présente, dit-on, quand le lait provient de vaches nourries dans de trop succulens pâturages.

Le vase le plus propre à conserver la crême, dit Anderson, est un petit baril bien fait, fermant exactement avec un couvercle, et percé près de son fond d’un trou fermé par une cheville de bois, un robinet ou une chantepleure, qui sert à faire écouler les parties séreuses ou le lait qui se trouvent et se séparent encore de la crême, et qui altéreraient la qualité du beurre. Cette ouverture dans l’intérieur du baril est garnie d’une gaze ou d’une toile fine en fil d’argent, qui retient la crême et laisse écouler les parties liquides quand on a soin d’incliner le baril du côté de cette ouverture pour favoriser l’écoulement. On peut conserver encore la crême, mais aux dépens de sa qualité, en la soumettant, comme le lait, à la chaleur d’un bain-marie, et en la renfermant dans des vases soigneusement bouchés.

Le transport du lait et de la crême, quand il se fait à une petite distance, n’offre pas de difficulté. Pour le lait, il suffit, s’il est frais, de le verser dans des vases de fer-blanc plus hauts que larges, à ouverture étroite et fermant bien, et d’emplir ces vases jusque près de leur orifice. Quand le lait est de la veille. on doit le battre et l’agiter dans les terrine.où il a passé la nuit, avant de le verser dans les vases qui servent à le transporter. Enfin quand il doit être envoyé à une grande distance, il faut le verser tout frais dans les vases de transport, boucher aussi exactement et fortement que possible ceux-ci, et les soumettre pendant une heure au bain-marie jusqu’à l’ébullition. Quant à la crême, on peut la transporter au loin dans de petites cruches de grès, coiffées d’un bouchon entouré d’un linge blanc et propre. — Il est clair que pour le voyage on doit faire choix des moyens de transport qui agiteront et battront le moins le lait, garantir autant que possible les vases du contact du soleil, et les maintenir, si on le peut, dans un état de fraîcheur constant ; aussi la nuit et le matin sont-ils les momens les plus favorables à ce transport.

§ VIII. — Altération du lait.

Les altérations spontanées du lait, telles que sa séparation en ses principes constituans, sa coagulation par le développement d’un acide qui se manifeste d’autant plus promptement que la température est plus élevée, sont des faits qui ne doivent plus nous arrêter. Nous n’avons pas non plus à nous occuper ici des altérations qu’il éprouve par l’application de la chaleur, par l’agitation, par son mélange avec une foule de corps divers, parce que nous avons déjà signalé plusieurs de ces faits, et que les autres seront considérés plus loin avec les détails nécessaires. Il nous reste seulement à faire connaître quelques altérations qui affectent le lait dans sa couleur, son odeur, sa saveur, et quelques autres de ses propriétés physiques.

La couleur du lait est souvent changée d’une manière remarquable. Les altérations le plus souvent observées sont les suivantes :

1o  Lait rouge. Il est connu depuis longtemps. On peut l’attribuer à deux causes. La première a lieu quand la vache a mangé quelques plantes fournissant une matière tinctoriale rouge telle que les caille-laits ou gaillets garance, jaune, boréal (Galium rubioïdes, verum, boréale, etc.), qu’on trouve fréquemment dans les prairies et les pâturages. Dans ce cas, le beurre que fournit le lait est coloré en rouge. Dans la seconde, au contraire, le beurre est sans couleur, et la couleur rouge du lait provient sans aucun doute de la piqûre de quelque insecte dans l’intérieur du trayon ; pendant la mulsion, la blessure s’ouvre et laisse échapper quelques filets sanguins qui se mêlent avec le lait. Dans ce dernier cas, il faut traire avec précaution, et donner à la blessure le temps de se cicatriser. Dans l’autre, on doit changer la nourriture de l’animal, ou au moins en écarter les plantes qui produisent l’altération.

2o  Lait bleu. Dans quelques circonstances on a remarqué que le lait de vache qui, au moment de la mulsion, ne présentait aucun caractère particulier sous le rapport de la couleur, de l’odeur ou de la saveur, se couvrait, après 24 heures de séjour dans les terrines, d’un grand nombre de petits points bleus qui s’étendent de plus en plus, et finissent quelquefois par couvrir toute la surface de la crême d’une couche uniforme d’une belle couleur indigo. Le lait de brebis est aussi sujet à devenir bleu. La crême que fournit le lait bleu ne diffère de celle que donne un lait non altéré, que par sa couleur ; le beurre qu’elle fournit est pur et sans aspect particulier. Le fromage fabriqué avec le lait bleu est également bon et ne présente aucune coloration. Depuis long-temps on a