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AGRICULTURE : ENGRAIS.

vent aussi, quoiqu’elles contiennent peu de substances nutritives, être converties en engrais. Dans presque toutes nos campagnes on les jette sans précaution sur les fumiers. Il parait qu’on n’est pas partout aussi insouciant. — Dans le Frioul on les fait ramollir quelque temps dans l’eau avant de les réunir en tas. Elles fermentent ainsi beaucoup plus promptement. — Dans le Bressan on les répand sur les prairies naturelles dans la proportion de 15 à 30 charretées par hectare. — Ailleurs on s’en sert pour fumer les vignes et les arbres fruitiers.

III. Engrais produits spécialement par les graines et les fruits.

Philippo Ré rapporte qu’il a vu mettre dans des fours des graines de lupin pour leur faire perdre leur propriété germinative et les employer ensuite comme engrais au pied des orangers et des oliviers. L’effet de cette substance devient très-promptement sensible, et l’on doit d’autant moins s’en étonner, qu’après les matières animales, les graines sont probablement de toutes les parties végétales celles qui jouissent, sous un moindre volume, de la plus grande faculté engraissante. — Dépouillées même de plusieurs de leurs principes, elles conservent cette faculté à un haut degré.

Tous les marcs de fruits, lorsqu’on ne leur trouve pas un emploi plus avantageux, peuvent donc devenir des engrais. — Celui de raisin, après avoir fermenté quelque temps en masse et à couvert, sert à féconder les vignes, les vergers, les prairies et même les cultures de céréales dans le midi de l’Europe. On l’utilise presque partout en jardinage.

Le marc de pommes et de poires, quoique moins actif, peut être employé en partie aux mêmes usages. Mis à pourrir, mêlé ensuite par moitié à de la terre et porté sur les champs secs et arides, il y produit un bon effet. En Normandie on lui reconnaît surtout la propriété d’améliorer les prairies et les jeunes plantations de pommiers.

Le marc de drèche, que son emploi à l’engraissement des bestiaux et son peu d’abondance en France ne permet guère de classer parmi les substances végétales fécondantes du sol dans nos contrées, aux environs de Londres où sa production est immense, est recherché presqu’à l’égal des meilleurs fumiers, puisque la quantité qu’on en répand par arpent n’est que de 26 à 39 décalitres. On peut expliquer cet effet par la proportion de matière azotée qu’il retient.

Enfin les marcs de graines ou de fruits oléagineux font surtout d’excellens engrais. Ceux-là méritent ici une attention particulière.

Dans le département du Nord, les tourteaux sont devenus pour ainsi dire une des conditions de la bonne culture du pays. On les emploie sur les terres légères et franches, principalement pour les cultures de céréales et pour celles des colzas et du lin. Là il n’est pas rare de voir les fermiers répandre sur moins de 20 hectares, indépendamment de tout autre fumier, au-delà de 8,000 tourteaux de colza et de cameline qui leur coûtent, année commune, de 14 à 1500 francs. En Angleterre, où l’usage des tourteaux de navette s’est étendu de plus en plus et où leur prix s’est élevé, au lieu d’en employer comme autrefois jusqu’à un demi ton par acre (1,400 kilog. par hectare), on n’en met plus maintenant qu’un millier de kilogrammes et même moins sur une semblable surface, et il paraît que les résultats sont encore très-avantageux. — D’après Taylor, cette dernière quantité est suffisante pour féconder un champ de 3 acres (121 ares) semé en turneps, à la volée, et de 5 acres (un peu plus de 2 hectares) lorsque le semis a été fait en rayons.

Dans le midi de la France on emploie les tourteaux de colza en proportions fort variables selon la fertilité des terres. Sur de très-bons fonds on a réussi avec une quantité qui ne dépassait pas de beaucoup la plus faible que je viens d’indiquer. Ailleurs on l’a portée de 6 à 700 kilogrammes ; ailleurs encore, pour des sols de moindre qualité, jusqu’à 8 et 900 et même au-delà de 1000 kilogrammes. Enfin, dans le Bolonais, pour la culture exigeante du chanvre, on a été jusqu’à 16 et 1700 en employant de préférence, après le marc de colza, ceux de lin et de noix.

On n’utilise pas toujours les marcs oléagineux de la même manière. Dans le Bolonais dont je viens de parler, presque dans toute l’Angleterre et une partie de nos départemens, après les avoir plus ou moins finement pulvérisés, on les répand à la main quelques jours avant les semences et on les recouvre en même temps qu’elles. Sur les autres points de l’Italie, aux environs de Lille, de Valenciennes, etc., etc., on en saupoudre au printemps les jeunes plantes déjà développées, comme on le fait dans d’autres circonstances au moyen des fumiers et des stimulans les plus puissans.

Quelques expériences concluantes ont démontré que la macération des tourteaux dans l’eau produit un engrais liquide d’une grande énergie. Dans la Flandre on les mêle aussi aux urines des étables ou à d’autres substances animales.

Le marc des olives qui offre la peau, le parenchyme et les noyaux, quelque bien pressé qu’il soit, même dans les moulins de recense, contient encore de l’huile qu’on en retire en le faisant pourrir dans des citernes ; la boue qu’il laisse au fond de ces citernes est un excellent engrais, dont Bosc assure cependant qu’on ne tire guère parti dans les cantons de la France où l’on cultive l’olivier. Je l’ai vu çà et là employé dans les pépinières, et au pied de chaque arbre dans les oliveraies.

Il y a un petit nombre d’années, on a cherché à substituer l’usage de l’huile même à celui des gâteaux oléagineux. Je ne crois pas qu’une telle pratique puisse être recommandée ; car, si les tourteaux produisent de si bons effets sur les terres, cela tient sans doute bien plus à ce qu’ils contiennent beaucoup de substance azotée albumineuse, qu’à ce qu’ils conservent une certaine quantité d’huile. D’ailleurs on ne peut pas douter que la question d’écono-