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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

avec l’addition d’un peu de chaux, pour toutes les cultures économiques et plus spécialement pour celle des pommes-de-terre.

Comme cette substance, par suite de sa formation chimique, est infiniment peu soluble, afin de provoquer sa fermentation, lord Meadowbank a judicieusement recommandé de la mêler à d’autres substances moins fixes, telles que des engrais facilement putrescibles et déjà dans un état de décomposition, et cet avis a été généralement suivi de succès. — L’emploi de la chaux magnésienne, de la chaux ordinaire, des marnes calcaires et des cendres alcalines a produit des effets analogues toutes les fois qu’on a cherché par leur moyen, soit à rendre des tourbières cultivables, soit à transformer des masses de tourbe en engrais. — On peut donc arriver de deux manières aux mêmes résultats. — L’agronome anglais que je viens de citer établit en fait qu’une seule partie de fumier chaud suffit pour amener 3 ou 4 parties de tourbe à un état suffisant de fermentation. — D’un autre côté, l’Allemand Kasteler s’est convaincu, à la suite d’expériences directes, que la chaux nouvellement éteinte et à l’état d’hydrate, c’est-à-dire réduite en poussière au moyen de l’eau, au sortir du fourneau, agit sur la tourbe de manière à transformer peu-à-peu les parties fibreuses et résineuses qu’elle contient en acide humique, lequel forme aussitôt un humate de chaux, engrais très-durable, qu’on pourrait ainsi préparer pour les besoins de la culture avec une grande facilité. — La pratique la plus fréquente, qui consiste à stratifier le fumier d’étable et la tourbe desséchée et pulvérisée, et à mêler un peu plus tard le tout, résume donc tous les avantages de l’une et de l’autre théories.

La plupart des cultivateurs anglais emploient souvent le terreau de tourbe comme top-dressing, c’est-à-dire en la semant au printemps sur les plantes déjà développées. Ils trouvent qu’en suivant cette méthode il y a autant à gagner pour l’effet produit, l’économie de main-d’œuvre et celle de l’engrais.

Il est bien peu de contrées où l’on ne recueille pas les plantes aquatiques des marais et des étangs pour suppléer aux fumiers ou en accroître la masse. — Tantôt on laisse ces plantes étendues sur le sol pendant quelques jours, après les avoir arrachées, puis on les enterre simplement à la charrue ; — tantôt on les réunit par tas pour qu’elles se décomposent, et on les transforme en composts, en les mélangeant en diverses proportions avec de la terre.

ii. Engrais produits par les plantes marines.

Ces plantes, telles que le fucus, les algues, les conferves, etc., sont encore plus recherchées que les autres, partout où l’on peut se les procurer sans trop de frais. — Elles contiennent en abondance une substance mucilagineuse facilement séparable, et une quantité de sel marin qui augmente sans nul doute leurs propriétés fécondantes.

Dans beaucoup de cantons, c’est une source très-importante de fertilité ; et lorsqu’on les emploie judicieusement, elles ne manquent jamais d’enrichir les districts situés sur les côtes de la mer, soit qu’on aille couper ces herbes sur les rochers, soit que la mer les jette sur le rivage. Cependant les effets qu’elles produisent sont loin d’être aussi durables que ceux du fumier, car ils ne se font sentir que sur une ou deux récoltes.

Les herbes marines, appliquées aux terres arables, ne peuvent pas être répandues et enterrées trop tôt après qu’elles ont été recueillies. Si on ne peut pas le faire immédiatement, à cause de la saison ou pour toute autre cause, on doit en faire des composts avec de la terre et du fumier long ou de la chaux.

En répandant ces herbes sur d’anciens pâturages, non seulement on augmente la quantité, mais on améliore la qualité de l’herbe. Le bétail à cornes ainsi que les bêtes à laine la mangent avec plus d’avidité, prospèrent mieux et s’engraissent plus promptement. — Cette substance ne convient pas autant que le fumier pour l’avoine ou pour une récolte de turneps ; mais elle réussit parfaitement bien pour l’orge. Lorsqu’on l’applique sur les jeunes pousses du trèfle, après la moisson, elle les détruit. On peut la mêler avantageusement avec le fumier de cour de ferme. On emploie par acre un tiers en plus, en poids, d’herbes marines que de fumier.

Cet engrais présente divers avantages particuliers : — il ne contient pas de semences de mauvaises herbes ; — il se décompose rapidement ; — il est immédiatement utile aux plantes, sans exiger un long procédé de préparation. Avec son secours, le cultivateur peut semer plus fréquemment des céréales ou des récoltes vertes, et augmenter ainsi la quantité de ses fumiers. On ne peut révoquer en doute ses bons effets, et on ne peut rien objecter à son emploi, si ce n’est qu’on prétend que les grains qu’il produit sont de qualité inférieure. (Agriculture pratique et raisonnée, par sir John Sinclair. )

Dans la Normandie et la Bretagne, on fait usage des plantes marines depuis un temps immémorial ; on préfère les varecs de rochers, c’est-à-dire ceux qu’on va arracher à marée basse, aux varecs d’échouage, qui cependant contiennent évidemment beaucoup plus de matières animales. — Les premiers, enterrés sur place au sortir même de la mer, se décomposent plus rapidement que les autres. On les emploie seuls, tandis que les fucus ramassés sur la plage ne sont ordinairement utilisés que comme litières.

Assez souvent on mêle les débris de plantes marines aux autres fumiers ; parfois on les laisse pourrir isolément ou on les stratifie avec de la terre, pour les transformer en compost. — Ces méthodes paraissent être préférées, en Italie, à l’enfouissement immédiat qui est au contraire préféré, je crois avec raison, dans d’autres lieux. Aux environs d’Ancône, on ne connaît presque pas d’autres engrais que les algues et la zostera réduites en terreau par une fermentation naturelle dans un lieu couvert. — Sur d’autres points de la rive adriatique, on les étend sur les chemins, et, lorsqu’elles y ont été en partie triturées, mêlées aux urines, aux excrémens des animaux et à la poussière du sol, on les réunit à la masse commune des autres fumiers.