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chap. 4e.
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DES DIFFÉRENS ENGRAIS.

séquent, les os sont désagrégés et faciles à rompre. Mais, bien que soluble, la substance organique altérable peut être encore engagée dans les interstices, soit que les lavages propres à l’entrainer aient été opérés en proportions insuffisantes ou dirigés par de fausses voies, ou encore que la vapeur ait à peine saturé l’espace ou se soit presque exclusivement condensée sur les parois des digesteurs. Cette matière, soluble dans la proportion de 0,8 à 0,9 de celles que renferment les os, agira plus rapidement comme engrais, puisque sa dissolution et son altération seront plus rapides sous les mêmes influences ; mais, au lieu de se prolonger 4 à 5 années, son action sera presque épuisée en une saison ; la pratique a toujours confirmé cette déduction rationnelle. Un lavage mieux opéré, mais incomplet, rend facilement compte de la présence et de la solubilité de 0,25 à 0,33 de matière gélatineuse dans le résidu : on en déduit de même la démonstration de l’action prompte, mais moindre et moins durable encore que dans l’exemple précédent. Quant à la réduction à 0,01 ou à 0,02 au plus dans la proportion de la substance azotée altérable[1], elle amène évidemment à l’inefficacité comme engrais organique d’un tel résidu. Mais cet état résulte, je l’ai constaté, de l’une des deux circonstances principales suivantes ou de leurs concours :

Lorsque l’on traite en grand les os dont on a tranché les parties celluleuses seulement et extrait la matière grasse, la division n’étant pas poussée assez loin, les lavages sont insuffisans et on n’obtient que 13 à 15 centièmes de gélatine sèche ; il devrait donc rester environ 15 centièmes de tissu fibreux, ou des produits de son altération ; mais à peine ces marcs sont-ils mis en tas, qu’une vive fermentation s’y développe et dégage d’abondantes vapeurs ammoniacales ; la plus grande partie de la matière organique disparait ainsi graduellement.

La deuxième circonstance qui produit également un résidu fort pauvre résulte d’un traitement bien dirigé s’appliquant à des os suffisamment divisés, et enfin épuisés par des lavages méthodiques, comme cela se pratique habituellement dans les appareils des hôpitaux.

On doit donc généralement s’attendre à ne trouver dans les fabriques de colle d’os que des résidus très-appauvris et sans valeur comme engrais. Aussi l’usage en a-t-il été abandonné par les agriculteurs même qui d’abord en avaient obtenu des résultats avantageux ; ces différences sont donc maintenant très-facilement expliquées, et une simple analyse consistant dans l’épuisement à l’eau bouillante d’une partie de ces résidus séchés et mis en poudre, suffirait pour les indiquer, à priori, puisqu’en desséchant et pesant de nouveau la substance pulvérulente épuisée, on constaterait la quantité dont l’eau bouillante aurait diminué le poids total, et, par conséquent, la proportion de matière organique soluble, tout le reste étant presque entièrement inerte comme engrais et ne pouvant agir que comme amendement calcaire.

Application des os à l’agriculture. — Dans leur état naturel, les os réduits en poudre forment un excellent engrais que l’on répand dans la proportion moyenne de 1500 kilogrammes par hectare, et dont l’influence remarquable se fait sentir en décroissant pendant trois à cinq années successives, suivant le sol et les saisons ; tous les os sont, au reste, propres à cette application, lorsque l’éloignement ou le manque de communications ne permet pas d’en tirer un meilleur parti pour les industries que nous ferons connaître dans la Div. des Arts agricoles[2], et lorsque d’ailleurs on peut se procurer la machine assez dispendieuse de premier établissement, et coûteuse de force motrice, pour les broyer.

Au reste, à défaut de cette machine, on emploiera souvent avec avantage, surtout dans les intervalles que laissent les travaux des champs, les procédés d’écrasement à la main, en coupant d’abord les os avec une hachette, et les écrasant ensuite à l’aide d’un gros marteau.

J’ai remarqué qu’il est beaucoup plus facile de concasser les os fortement desséchés et chauffés qu’à l’état frais ; il conviendrait donc de les enfermer dans un four aussitôt après la cuisson du pain, et de les écraser ensuite tout chauds. En France, dans le département du Puy-de-Dôme, on emploie les os concassés comme engrais ; en Allemagne, cette pratique est plus répandue : 10 hectolitres y remplacent 80 voitures de fumier pour un hectare. Mais ce sont les Anglais qui ont le plus en grand appliqué ce mode de fumure ; ils tirent de Russie et des Indes des chargemens considérables d’os, outre une grande partie de ceux qui résultent de leur forte consommation en viandes. L’hectolitre de poudre grossière d’os coûte aux agriculteurs environ 15 francs ; ils en emploient de 15 à 40 hectolitres pour un hectare ; cette fumure produit des effets durant 10 à 25 ans et accroît énormément toutes les récoltes, notamment celles des prairies et des turneps. On a remarqué qu’un mélange de cendres de bois à volume égal ou de 2 à 3 p. % de salpêtre, rendait plus efficace encore cet engrais.

Les os en poudre peuvent être déposés dans les fossettes avec les pommes-de-terre, ou semés sur les graines avant de passer la herse ou le rouleau qui les recouvrent de terre.

On préfère quelquefois les mélanger avec la terre préalablement labourée et hersée en repassant la herse et le rouleau à deux reprises.

Si les os étaient en poudre fine, on pourrait avec avantage les déposer sur les plants

  1. Il reste en outre toujours une proportion variable entre 0,03 et 0,08 d’un savon calcaire, mais qui est sans influence sur la végétation.
  2. Les os employés à la fabrication du noir animal ne sont pas perdus pour l’agriculture, car nous verrons qu’après avoir à l’état du charbon en poudre, servi à raffiner le sucre, ils recèlent du sang coagulé dont ils concourent à rendre l’effet comme engrais très-remarquable.