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chap. 4e.
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Des différens engrais.

À ce procédé généralement usité encore aujourd’hui, et qui répand au loin l’infection, succède déjà peu-à-peu le mode bien plus rationnel que nous avons indiqué ci-dessus. Cette application importante promet d’assainir par degrés tous les centres de fortes populations ; applicable d’ailleurs à convertir immédiatement en engrais tous les fluides suffisamment chargés de matière organique azotée et tous les débris des animaux convenablement divisés, il constitue le procédé le plus général de la fertilisation des terres, et doit graduellement suppléer partout à l’insuffisance des fumiers.

Ce procédé consiste à mélanger le plus intimement possible les parties molles, divisées ou fluides des animaux, fraîches ou même déjà putréfiées, avec environ la moitié de leur poids d’une substance poreuse, charbonnée, réduite en poudre fine absorbante, et présentant à peu près sous ce rapport les propriétés du charbon d’os fin.

À l’instant où le mélange est opéré, la décomposition spontanée est dès-lors pour toujours ralentie, presque au même degré que dans les substances dures, les os, la corne, mises en poudre. L’acide hydro-sulfurique qui se dégageait, uni avec l’ammoniaque avant l’opération, est si rapidement absorbé, qu’une lame d’argent plongée dans le produit, même encore très-humide, conserve sa couleur et son éclat métallique, tandis que, dans la matière organique employée, elle serait en quelques secondes irisée ou noircie sur toute sa surface.

Effets et modes d’emploi du noir animalisé. — La fabrication de l’engrais nouveau, le noir animalisé, est alors finie ; il réunit toutes les conditions utiles de la division et d’une décomposition lente. On peut immédiatement en faire usage, le mettre en contact avec les graines ensemencées, les radicules, les plumules, les tiges et les feuilles les plus délicates ; il ne cède que très-lentement, aux influences atmosphériques et à l’action des extrémités spongieuses des racines, les produits gazeux ou solubles assimilables qu’il renferme. Il fournit graduellement ainsi, sans être même complètement épuisé, à tous les développemens des plantes annuelles.

L’un des effets les plus utiles et les plus remarquables de cette décomposition lente et progressive, que l’accroissement de la température et de l’humidité accélère comme la végétation, est signalé dans un développement plus soutenu des céréales à l’époque de la floraison, et dans une production de grain plus abondante que sous l’influence d’engrais contenant une proportion double de matière organique, mais qui, trop rapidement décomposée, exhale en pure perte des gaz dont l’excès, nuisible d’ailleurs, est décelé par une odeur plus ou moins forte et repoussante.

L’engrais nouveau, employé même en grand excès, ne change en rien la saveur agréable la plus légère des racines, des feuilles ni des fruits comestibles, et contribue, au contraire, par une assimilation complète, au développement de tous les principes aromatiques.

Les prairies naturelles ou artificielles dont on a ranimé la végétation en y semant (autant que possible, par un temps humide ou lors d’une 1re  pluie du printemps) 12 à 15 hectolitres de cet engrais bien émotté, donnent des produits plus abondans et d’un goût plus agréable. Ces faits sont constans aujourd’hui pour les nombreux agriculteurs qui continuent l’usage de cet engrais.

Quoique 15 hect. suffisent à la fumure d’un hectare de terre, on en a quelquefois employé des proportions décuples dans les jardins, et toujours avec succès, notamment pour aider à la reprise des jeunes arbres à fruits, ranimer les orangers transplantés, remplacer le terreau sur tous les massifs, activer la végétation des pelouses ensemencées vers l’arrière-saison.

On doit émotter à la pelle le noir animalisé au moment de l’employer ; quelquefois même, afin de le mieux diviser et de le répartir plus également, on le mêle avec son volume de terre du champ.

On le sème sur la terre après la graine et avant le hersage pour les blés, orges, avoines, betteraves, rabettes, navets, colzas, maïs, le chanvre, le lin, etc.

On le dépose par petites poignées dans les fossettes ou les sillons avec les pommes-de-terre, les haricots, les pois, les fèves.

Pour les divers plants repiqués, un enfant, suivant le planteur, le dépose dans le trou du plantoir sur la racine, que l’on recouvre immédiatement de terre. On opère de même pour les boutures, les marcottes et les plants provignés.

Un ou deux hectolitres sur les plates-bandes d’un jardin remplacent un tombereau de terreau ordinaire. Mélangé avec dix fois son volume d’un terreau épuisé, il ranime son action d’une manière très-remarquable. Ce mélange est très-utile pour alléger et fumer à la fois les terres des jardins.

Le noir mélangé avec la terre des trous, dans la proportion d’un à deux litres pour chaque arbre transplanté, assure la reprise et soutient la végétation de la manière la plus graduée ; ½ à ¼ de litre employés de même pour les ceps de vigne, les touffes de dahlias, les rosiers, les mûriers, et diverses autres plantes, activent constamment la végétation sans altérer le goût des fruits, ni des feuilles, ni la coloration des fleurs.

On en répand une couche de 4 à 6 lignes d’épaisseur à la surface des fosses d’asperges : il hâte la pousse en échauffant le sol, et augmente le volume en alimentant la plante.

Dans toutes ces applications, on n’a jamais éprouvé ces accidens que déterminent tous les engrais trop actifs, ceux-là même qui renferment à peine 0,1 des principes utiles contenus dans le noir animalisé.

Il est d’ailleurs évident : 1o  qu’on ne pourrait craindre dans l’emploi de cet agent les inconvéniens de ces myriades d’insectes parasites importés avec les fumiers, les engrais végétaux et le terreau ordinaire ; et 2o  que la présence et le mélange intime du charbon offrent, en outre, un obstacle aux attaques des petits animaux qui, parfois, ont dévasté les champs fumés avec le sang et la chair musculaire.