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chap. 5e.
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DES DÉFRICHEMENS.

ritoire, de vastes étendues de terrain sont ainsi improductives, mais, même dans les départemens les plus riches, les plus peuplés, les mieux cultivés, on rencontre encore çà et là quelques portions de sol que des travaux bien entendus rendraient facilement à la culture. Tantôt ces terrains sont occupés par des pierres, des broussailles, des arbustes ; la marche des instrumens aratoires y est gênée par des roches ; le guéret n’y a pas encore été entamé par la charrue. Tantôt l’abondance ou la stagnation des eaux les constitue, perpétuellement ou temporairement, en marais ou en terres marécageuses, ou bien l’invasion extraordinaire ou périodique de ces eaux y interdit les cultures réglées, et même menace le sol de l’envahissement ou de la destruction. L’objet de ce chapitre est de mettre les propriétaires et les cultivateurs à même de convertir en terres arables les terrains plus ou moins étendus, qui, par une cause quelconque, sont encore en friches et pourraient cesser d’y être. C. B. de M.


Section ire. — Des défrichemens.

Les défrichemens qu’on a quelquefois considérés comme l’ensemble de toutes les opérations propres à transformer les terrains incultes en terres labourables, ou des cultures permanentes en cultures d’une autre sorte, et qui embrassent dans ce sens tout ce qui se rattache aux desséchemens, aux nivellemens, au défoncage, à l’écobuage, aux amendemens, aux semis divers, et même à la pratique des assolemens, dans un ouvrage de la nature de celui-ci, où chacun de ces importans sujets devra être traité séparément avec tous les détails qu’il comporte, ne peuvent avoir une aussi grande importance. Pour nous, défricher un terrain, ce sera donc simplement le débarrasser de tous les végétaux ou autres obstacles qui se rencontrent à la surface, pour le mettre en état de recevoir selon sa nature, soit des céréales, soit des plantes fourragères, légumineuses ou industrielles, soit des végétaux ligneux ; et notre tâche sera remplie, quand nous aurons fait voir les difficultés et donné les moyens d’arriver à ce 1er  but.

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§ ier. — Conditions avantageuses ou désavantageuses aux défrichemens.

Depuis un certain nombre d’années, à mesure que notre population s’est augmentée, que le prix des terres et avec lui le taux des fermages se sont progressivement élevés, les défrichemens sont devenus assez fréquens en France. Cependant, d’après des documens officiels, résultant d’opérations effectuées sur les lieux mêmes par les agens des contributions directes, contradictoirement avec les délégués des communes, on voit dans l’excellent travail de M. Huerne de Pommeuse[1], que sur une superficie de 52,874,614 hectares que présentent ensemble les quatre-vingt-six départemens, il en existe encore d’incultes au moins 7,185,475 hectares, c’est-à-dire environ la septième partie du territoire.

À l’exception des rochers, des crêtes de montagnes dépourvues de terre végétale, et des pentes trop escarpées, il n’est, à vrai dire, aucun sol dont on ne puisse tirer parti ; toutefois, les dépenses diverses qu’entraînerait dans bien des cas sa mise en culture, sont telles qu’il serait plus qu’imprudent de les faire avant d’avoir bien calculé préalablement toute la portée de l’opération et les résultats profitables qu’on est raisonablement en droit d’en attendre, eu égard non seulement à la nature de chaque terrain, mais à la position topographique de chaque localité, et aux moyens d’exécution dont on peut disposer.

Lors même que les défrichemens doivent s’opérer dans le voisinage et pour ainsi dire à la suite d’une ancienne exploitation, à l’aide d’attelages, d’ouvriers, de tout un matériel enfin déjà existant, ce sont encore souvent des entreprises coûteuses, peu à la portée des petits cultivateurs si elles sont faites sur une certaine échelle, et qui ne peuvent devenir profitables qu’autant qu’elles sont convenablement dirigées. Ce serait un fort mauvais calcul de croire qu’on pourra cultiver des étendues plus grandes, sans autres déboursés qu’un surcroît de main-d’œuvre. À la vérité, sur des défriches de genêts, d’ajoncs ou de bruyères, à l’aide de simples brûlis, presque sans engrais et souvent même sans engrais, on peut bien de loin en loin obtenir une ou deux chétives récoltes de seigle ou de sarrasin et de pommes-de-terre, qui paient tant bien que mal les frais de labours. À la vérité encore, sur l’emplacement de bois nouvellement déracinés, d’anciens marais desséchés, de vieilles prairies retournées, on peut quelque temps se fier à la fécondité surnaturelle du sol ; mais, dans le premier cas, le terrain épuisé par une si faible production, se refuserait à en donner aucune autre sans une nouvelle jachère de 8 à 10 ans ; dans le second, il ne faut voir qu’une exception momentanée à la règle ; dans l’un et l’autre, on arriverait à coup sûr à la stérilité, sans le concours des engrais.

Dans les terres de médiocre qualité, les défrichemens qui auraient pour but d’ajouter à la quantité des terres assolées d’une ferme ou à plus forte raison d’en créer une nouvelle, seraient généralement de fort mauvaises opérations, si elles n’étaient exécutées partiellement ou par des personnes en état de faire grandement les avances nécessaires. En pareil cas, bien souvent, les semis d’essences ligneuses, particulièrement ceux de Pins qui se montrent généralement si peu difficiles sur le choix des terrains, offrent le meilleur et le plus sûr moyen d’amélioration.

Pour les sols de meilleure qualité, les chances de succès augmentent en raison inverse de la difficulté de maintenir leur fécondité ; mais, là encore, loin de sacrifier l’avenir au présent, il faut au contraire savoir ne demander à la terre que ce qu’elle peut produire sans épuisement, et songer, avant tout, à augmenter la masse des fourrages pour obtenir plus d’engrais. Tel est en résumé le

  1. Des colonies agricoles et de leurs avantages. Un vol. in-8o, 1832, Chez Mme  Huzard.
agriculture.
tome I. —15