et tantôt rompus ou bouleversés, de manière à donner un libre accès aux eaux de la surface ; plus loin, ce sont des terrains schisteux, qui alternent avec des grès, des psammites, des phyllades, des pouddingues et des brèches plus ou moins perméables ; et plus loin, enfin, sont les terres argileuses des pays primitifs, des schistes micacés, alternant avec des gneiss, des porphyres et des granits, qui laissent encore filtrer les eaux entre leurs lits de superposition, ou dans les fissures et les fentes qui les coupent et les recoupent en diverses directions. D’où l’on voit : 1o que presque généralement partout, en perçant les glaises et les argiles, dont la compacité s’oppose à l’infiltration des eaux pluviales, on trouve au-dessous des terrains perméables, dans lesquels il y a certitude de les faire perdre ou disparaître plus ou moins promptement ; et 2o que parmi les moyens de dessèchement des terres cultivables sujettes aux inondations, quelle qu’en soit d’ailleurs la cause, on ne saurait trop recommander aux propriétaires et cultivateurs l’établissement de puits perdus, boitouts ou bétoirs artificiels, puisqu’une fois bien établis ils n’exigent plus aucuns frais, et qu’ils remplissent constamment le but proposé sans qu’il y ait jamais aucune réparation, aucun entretien à y faire, comme aux autres modes de dessèchement.
Les embughs des anciens marais de la plaine des Paluns, près de Marseille, aujourd’hui couverts de vignes, sont peut-être le plus bel exemple que l’on puisse citer en France d’un grand dessèchement au moyen de boitouts artificiels, et, en Angleterre, ceux du comté de Roxburg.
L’établissement d’un puits perdu ou boitout est facile et peu dispendieux lorsque le terrain à dessécher est plat ; mais lorsqu’il y a des fondrières ou des parties profondes et marécageuses (fig. 105), il exige plus de temps et plus de frais.
Avant d’entreprendre une opération de ce genre, on doit se pourvoir d’une sonde de fontainier-mineur, de 25 à 30 mètres de longueur, avec ses principaux instrumens. La dépense peut en être évaluée de 300 à 500 fr., suivant le nombre des instrumens que l’on prend[1]. Cette dépense première ne peut ni ne doit arrêter ; cette sonde, qu’on peut d’ailleurs louer, si on ne veut pas l’acheter, devant également servir, d’une part, pour dessécher un terrain inondé, comme pour se procurer des eaux jaillissantes, et, d’autre part, pour rechercher des marnes, des plâtres, des terres pyriteuses, etc. ; enfin, la sonde peut être successivement louée à tous ceux qui voudront s’en servir pour faire des desséchemens ou faire des recherches.
La première condition pour assurer le succès d’un desséchement, au moyen des puits perdus ou boitouts artificiels, est la levée du plan et le nivellement exact de tout le terrain à dessécher, pour connaître l’endroit ou les endroits les plus bas, parce que, s’ils sont éloignés des uns des autres, ils détermineront l’ouverture d’autant de boitouts qu’il y a de fondrières, afin d’éviter le creusement de grandes tranchées pour l’établissement de coulisses ou rigoles souterraines, qui doivent recueillir toutes les eaux de la surface.
On devra profiter d’une année de sécheresse et de la belle saison, pour ne pas s’exposer à être obligé de suspendre les travaux pendant plusieurs mois.
Les emplacemens des boitouts ayant été déterminés par le nivellement, on fera, sur l’un d’eux, un sondage d’exploration, si on ne connaît pas encore la nature ou la composition du fond du sol, ce dont on peut communément s’assurer dans les ravins, les escarpemens, ou les marnières et carrières ouvertes dans les environs. Lorsqu’on a acquis la connaissance exacte de la nature du sol, on commence l’ouverture du boitout sur un diamètre de cinq à six mètres, suivant l’étendue du terrain à dessécher ou la distance d’un boitout à un autre, et l’on pousse rapidement son creusement par banquettes en spirale, autour du cône ou de l’entonnoir, en soutenant les terres avec des pieux et des branches d’arbres ou des palplanches. Si, malgré ces moyens, on craint, ou si l’on éprouve des glissemens et des éboulemens de terre, on donne au talus ou à l’évasement du cône un angle de cinquante à soixante degrés.
La nature du terrain détermine la profondeur du puisard. Elle peut n’être que de 3 à 4 mètres, comme elle peut l’être de 5 à 6 et au delà, ainsi qu’on l’a vu plus haut. Quelquefois, sous les glaises, on trouve, à un ou deux mètres, des couches dures et pierreuses, sur lesquelles on s’arrête, mais le plus souvent les glaises et argiles ont plusieurs mètres d’épaisseur, et alors il faut les creuser entièrement pour former le cône tronqué, au fond duquel on place de grosses pierres brutes en cercles, en laissant entre elles des intervalles, dans lesquels on fait entrer de force d’autres pierres irrégulières, qui doivent les serrer, tout en laissant cependant des vides ou des interstices pour l’arrivée des eaux. À défaut de pierres, on jette dans le fond du puisard
- ↑ On trouvera des sondes de fontainier-sondeur chez M. Degousée, ingénieur civil, rue de Chabrol, no 13 ; et M. Mullot, serrurier-mécanicien à Épinay, près Saint-Denis.