Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
chap. 5e.
151
desséchement des marais.

teaux très-longs, mais larges seulement de 2 mètres, portent une immense quantité de marchandises. On connaît l’utilité des canaux de petite navigation dans certains comtés de l’Angleterre.

B. Pêcherie.

Il sera aisé de disposer les canaux de manière à former une pêcherie plus ou moins lucrative, selon la masse plus ou moins grande et la qualité des eaux. Si elles ont beaucoup de rapidité, les truites, les écrevisses, etc., s’y multipliront, si elles sont moins rapides et plus abondantes, les carpes, les anguilles, les brochets, les tanches, etc. ; si elles sont tout-à-fait stagnantes, les mêmes espèces, mais bien moins bonnes. Enfin il n’est pas jusqu’aux eaux croupissantes et aux cloaques dont on ne puisse tirer parti en y faisant multiplier les sangsues, genre d’industrie que la médecine moderne a créé, mais qui n’est pas encore assez connu, quoiqu’on assure qu’il existe des personnes qui ont fait des bénéfices considérables en s’y adonnant. On cite entre autres les sœurs hospitalières d’une ville importante dont le nom m’échappe.

Je n’ai pas parlé des oies, des canards qui peuvent trouver une partie de leur nourriture dans l’eau ; c’est un objet peu important, mais qui mérite considération.

C. Végétation dans les canaux et sur les francs-bords.

Quand les canaux ont peu de profondeur et que l’eau y reste stagnante, les poissons n’y réussissent pas très-bien, mais la végétation des plantes marécageuses qui s’y établit, fournit un produit assez important. Si ce sont des roseaux (Arundo phragmites), ils peuvent être fanés et servir à l’alimentation du gros bétail en hiver, ou bien être conservés pour couvrir les habitations, pour natter les digues, etc. Si ce sont des carex, des souchets, des joncs, etc., ils peuvent être mangés en vert par les bêtes à cornes, ou plutôt être fauchés pour litière. Il est même quelques espèces de joncs qu’on peut employer à faire des nattes d’un effet très-agréable. On en voit de telles dans les salles à manger des Hollandais qui servent de tapis de pied.

Les talus et les francs-bords du canal se garniront aussi d’une végétation plus ou moins abondante, selon la plus ou moins grande fertilité du sol. Dans les Pays-Bas on fauche presque tous ces talus ; on en retire ainsi un revenu assez considérable. Si on ne pouvait les faucher, on aurait du moins un pâturage abondant ; mais il faudrait prendre garde que le piétinement du bétail n’occasionât des dégradations à ces talus et aux francs-bords.

D. Plantations.

Les francs-bords, les banquettes et les talus des canaux peuvent être rendus productifs par des plantations appropriées au terrain ; mais, avant d’y procéder, il convient de bien reconnaître la qualité du sol, sa consistance, son niveau, son exposition ; d’étudier le climat, les besoins locaux, l’emploi qu’on pourra trouver des produits ; en un mot, de prendre note de toutes les circonstances dans lesquelles on va agir.

Si le canal doit servir à la navigation, il ne faut planter entre le chemin de halage et l’eau que des osiers coupés rez de terre, qui sont taillés tous les ans pour des liens de cercle, pour des paniers ou pour tout autre usage analogue. Encore risque-t-on de nuire à cette navigation quand le bief du canal est très-étroit, et de voir ces plantations dépérir si le halage a lieu fréquemment.

Si l’on n’est pas gêné par cette considération, je conseille de placer un rang d’osier au rez de l’eau, puis un second rang à un pied au-dessus, mais alternant avec celui d’au-dessous, de manière que la plante supérieure se trouve entre deux inférieures. Si l’on a un espace suffisant, on plantera au haut des talus un rang de saule, de peuplier, d’aune, ou de frêne, selon qu’on le jugera convenable et selon l’emploi qu’on en prévoira. On pourra ensuite complanter les francs-bords, par-delà des banquettes, avec les espèces susceptibles d’y croître le mieux.

Je n’entrerai pas à cet égard dans des développemens plus étendus, on les trouvera dans d’autres parties de cet ouvrage. Seulement je ferai observer que, pour épargner la bourse des dessiccateurs, qui ont déjà tant de dépenses à supporter, on peut se borner à planter des pourrettes d’ormes et autres arbres analogues, au lieu de sujets tirés des pépinières, en supposant toutefois qu’il soit facile de les garantir de la dent du bétail. Un homme plantera, dans une terre meuble comme l’est celle des francs-bords d’un canal nouvellement creusé, jusqu’à cinq cents pourrettes par jour, et si les dessiccateurs ont semé eux-mêmes ces pourrettes, elles ne reviendront pas à plus de 2 ou 3 fr. le mille, de sorte qu’on peut à très-bon marché garnir ses canaux d’une multitude d’arbres. Je conseillerais de les mettre d’abord très-épais ; on les éclaircit ensuite facilement et avec bénéfice en vendant les plants qu’on a de trop.

Avant de terminer ce paragraphe, je recommanderai la culture du chêne en têtard comme dans la Belgique. Il fournit un bois de chauffage de fort bonne qualité.

Je dois observer que, dans tout ce qui précède, j’ai supposé que le terrain n’était pas salé et l’eau non plus. Dans le cas contraire, il faudrait substituer à la plantation des arbres ci-dessus, celle des tamarix ; aux gazonnemens en graminées, l’ensemencement et la transplantation des plantes alcalines, telles que le Chenopodiun fruticosum, lAtriplex portalocoides, etc. ; aux cypéracés enfin, les plantations du Juncus acutus, le seul qui résiste bien, sinon à l’eau salée, du moins à l’eau saumâtre.

Il est entendu aussi qu’on choisira entre les diverses variétés osier et de tamarix celles qui réussissent le mieux et ont un meilleur débit. Parmi les osiers il y en a de plus propres aux cours d’eau rapides, d’autres aux cours paisibles, d’autres aux marais, d’autres aux lais de mer ; il y en a qui sont préférés pour les corbeilles, d’autres pour la tonnellerie, d’autres pour le fagotage. Parmi les