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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/173

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chap. 6e.
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DES LABOURS.

cipale et presque la seule source de fécondité de la terre. — Pour se faire une juste idée de son importance, il faut, remontant jusqu’aux premiers élémens de la science agricole, se rappeler le grand rôle des gaz atmosphériques dans l’acte de la nutrition des végétaux. — Les terres les plus riches en matières organiques, comme les tourbes, les vases retirées d’étangs, de mares nouvellement desséchées, etc. ; celles de diverses natures qui se trouvent à une certaine profondeur en sous-sol, telles que les tufs, les marnes, les argiles, etc., etc., lorsqu’on les ramène à la surface, restent improductives tant qu’elles n’ont pas été plus ou moins long-temps exposées au contact de l’air, de sorte que la croûte la plus superficielle du globe réunit seule les conditions nécessaires à la végétation.

Les labours n’ont donc pas pour unique but de détruire les mauvaises herbes ; de faciliter l’extension des racines et le développement des minces chevelus dont les nombreuses extrémités reçoivent par imbibition les sucs nutritifs épandus autour d’elles ; — de mélanger les engrais superficiels dans toute la masse de la couche végétale ; — d’aider à l’égale répartition de la chaleur atmosphérique et de l’humidité des pluies ; — de mettre les matières solubles ou fermentescibles dans les circonstances les plus favorables à leur dissolution dans l’eau ou à leur décomposition au moyen de l’oxigène de l’air : — Ils ont encore la propriété, et ce n’est pas, dans maintes circonstances, leur moindre avantage, en divisant la terre, en la rendant plus poreuse, et en exposant un plus grand nombre de points de sa surface au contact de l’atmosphère, d’augmenter mécaniquement et peut-être chimiquement sa capacité pour les fluides fécondans, sans lesquels il n’est point de végétation. — D’après cela, quoique les labours ne puissent suppléer complètement aux engrais, comme l’ont avancé, dans leur préoccupation, les hommes célèbres que je viens de citer, on ne peut se refuser à croire qu’ils ajoutent en quelque sorte à leur masse aussi bien qu’à leurs effets, et, ce qui le prouverait, c’est que, s’il est démontré que, toutes choses égales d’ailleurs, les terres les plus absorbantes des gaz sont les plus fertiles, il l’est également que les champs les mieux labourés contiennent le plus d’air. Ce n’est donc pas sans raison que le cultivateur le moins instruit des causes naturelles voit d’un œil d’espérance ses guérets nouvellement retournés baignés, aux approches des semailles, par les épais brouillards d’automne chargés de leurs fétides émanations ; qu’il croit à la puissance fécondante des rosées ; et qu’il est persuadé qu’en remuant le sol au pied de ses jeunes arbres, il porte de la nourriture à leurs racines.

D’après ce qui précède, on voit déjà que les principales conditions d’un bon labour, c’est que la terre soit suffisamment ameublie et que les parties soulevées par le soc au fond de la raie soient non seulement déplacées, mais ramenées à la surface, tandis que celles de la surface sont au contraire entraînées au fond du sillon. Delà l’immense différence entre le travail d’une charrue avec ou sans versoir ; de là aussi la perfection plus grande des labours faits à la main, toutes les fois que l’ouvrier veut se donner la peine de remplir cette double condition.

Les diverses opérations qui ont pour but de fendre et de remuer la terre sont, à vrai dire, des labours. Toutefois nous traiterons exclusivement ici de ceux qui doivent précéder les semailles, nous réservant de parler des autres, en nous occupant, après les travaux de préparation, de ceux d’entretien des cultures.

Lorsque le sol a été débarrassé par le défrichement des obstacles divers qui pouvaient s’opposer à sa mise en culture ; lorsqu’après une récolte il doit être préparé pour une récolte nouvelle, le premier soin de l’agriculteur est de l’ouvrir, sa première attention de proportionner la prolondeur du travail à la végétation particulière des végétaux qu’il veut lui confier.

Tantôt les labours ne ramènent à la surface que la terre qui a été précédemment remuée ; — tantôt ils atteignent le sous-sol. Dans ce dernier cas ils prennent le nom de défoncemens.

Article ier. — Des défoncemens.

Les labours de défoncement ont en général de grands avantages ; cependant, comme toutes les bonnes pratiques, ils présentent aussi quelques inconvéniens qu’il importe de connaître.

Il est certain qu’en augmentant la couche de terre végétale, ils permettent aux racines de prendre plus de développement et de nourriture, et qu’ils ajoutent nécessairement aux excellens effets des labours superficiels, en les étendant à une plus grande masse du sol. Leur importance sous ce seul rapport est si bien attestée par les faits, que je croirais oiseux de m’y arrêter. — Il est également certain qu’ils peuvent, en mélangeant deux couches de nature différente, procurer accidentellement un amendement propre à changer parfois complètement la qualité du sol ; transformer un sable aride en une terre substantielle et féconde ; dessécher comme par enchantement une localité fangeuse en ouvrant aux eaux qui la couvraient une issue vers un sous-sol plus perméable, ou, simplement, en leur permettant de s’infiltrer au-delà de la portée des racines ; — qu’ils concourent encore, dans la saison des sécheresses, à retarder les effets d’une évaporation complète ; car, plus les terrains sont profonds, plus ils peuvent absorber d’eau au moment des pluies, et moins leur dessiccation est rapide ; — enfin qu’ils offrent le moyen le plus infaillible de détruire les plantes nuisibles, et particulièrement celles qui se reproduisent avec le plus de persévérance de leurs longues racines, comme les chardons, les fougères, etc.

Mais, d’une autre part, déjà dispendieux par eux-mêmes, ils le deviennent encore indirectement en exigeant, surtout pendant les premières années, une plus grande quantité d’engrais, et, assez fréquemment, en diminuant momentanément, au lieu de l’augmenter, la fécondité du sol. Ce dernier effet, dont il a déjà été parlé (art. Sous-sol, t.I, p.49), a principale-